LA 7EME PORTE (5 / 5)
Un clac résonna dans le couloir, plus bruyant que les fois précédentes, suivi d'un choc métallique et d'une voix africaine furibonde :
— Je vais te crever, sale…
Yuko demeurait silencieuse, écoutait, tenait le pistolet tendu droit devant elle, prête à faire feu. Elle pensait avoir déduit ce qu'était réellement la septième pièce : un couloir donnant sur six portes désormais ouvertes en simultanée.
Demba, libéré de sa cellule temporaire, s'agenouilla près du cadavre de Nérine, savourant cette découverte inopinée e plus près.
— Électrocutée ? Bizarre. Yuko, t'es là ? (Silence.) Je te ferai pas de mal, promis. On partagera, c'est pas un problème, j'ai besoin que de la moitié de la récompense pour faire ce que j'ai à faire.
Si Yuko était, en temps normal, plutôt du genre « peace and love », cela ne faisait pas d'elle une gobeuse de couleuvres. Demba se redressa afin d'inspecter le contenu de la pièce à la porte assassine. Au sol, gisait un post-it, qu'il ramassa et lut : UNE SEULE BALLE.
— Ok et ?
Demba retourna dans le couloir, examina les pièces une à une en remontant. Il ignorait qu'un couteau et qu'un pistolet se trouvaient auparavant dans deux d'entre elles. Arrivée au bout du couloir, il tomba sur Stanislas, toujours sur sa chaise, et sur le canon pointé de Yuko. Il se mit à couvert sur le côté de la porte. « Une seule balle » venait de prendre tout son sens. Profitant de cet avantage secret, Demba décida d'ajuster sa stratégie.
— Yuko, calme-toi. On va trouver un terrain d'entente. Ok ?
— Je suis pas dupe, Demba. J'ai vu ce que tu pouvais faire à un autre être humain.
— À un demeuré provocateur sûrement raciste, nuance.
— Peu importe. C'est toi ou moi, voilà ce que je crois.
Les réponses mordantes de Yuko le surprirent.
— Et lui, là-bas, c'est qui ? C'est à lui, le bras coupé ?
Stanislas répondit à la place de Yuko :
— Ouais, ces chiens me l'ont enlevé. Je sais même pas pourquoi. Sales pourritures !
— C'est eux qui t'ont foutu là-dedans aussi ?
— Aussi, ouais. Je sais pas non plus pourquoi. Ça doit faire partie de tout ce bordel à la con.
Demba trouvait tout ceci assez louche. Il était temps de passer à la vitesse supérieure.
— Bon, Yuko, on fait quoi ?
— Tu vas t'écarter et me laisser sortir.
— Pas de souci.
Demba s'écarta, recula au centre du couloir, mains en l'air. Yuko poursuivit :
— Entre dans cette pièce.
— Et si je refuse ?
— Je tire, c'est tout simple.
— Et si je te dis que j'ai trouvé un post-it qui précise que ton arme n'a qu'une seule balle ? Ou plutôt, n'avait qu'une seule balle puisque j'ai entendu un tir tout à l'heure...
— Tu mens !
— Allez Yuko, fini de jouer ! Tu fais pas le poids. Tu sais, je pense pas être obligé de te briser la nuque.
Stanislas les interrompit :
— Désolé de vous déranger en pleine dispute, mais je sais comment on sort de là.
Demba laissa ses bras tomber puis avança vers Yuko, qui appuya sur la gâchette, réalisant soudain que le sénégalais disait vrai. Il ne lui restait qu'un canif pour se défendre. Fichue pour fichue, elle accourut derrière Stanislas, utilisa sa lame pour sectionner les liens qui le retenaient. Demba franchit alors l'entrée de la pièce. Au même moment, Stanislas extirpa du fond de sa poche une poignée de sable fin qu'il balança dans les yeux du géant, lequel se mit à rugir. Tétanisée par l'affrontement, Yuko relâcha sa garde. Jaune profita de ce moment pour lui arracher le couteau des mains et trancher la gorge de Demba, qui s'attrapa le cou. Le sang ruisselait abondamment sur son uniforme comme à l'intérieur de ses manches. Il tomba à genoux, s'écroula de tout son long.
— Yuko, vous êtes la meilleure ! En tant qu'outsider, vous avez vraiment créé la surprise !
— Qu… Quoi ? Qu'est-ce que vous racontez ?
— Permettez que je mette un peu plus à l'aise maintenant que le grand black est calmé ?
Stanislas déroula le bandage autour de son moignon, tout en précisant :
— Vous savez, Nérine avait vu juste. On fait des choses incroyables, de nos jours, en matière d'effets spéciaux et de cosmétiques ! Ce bras était sacrément bien fait ! Le mien, ça fait un bail qu'une machine me l'a bouffé.
Le moignon existait bel et bien, toute comme la longue cicatrice qui sinuait dessus.
— Allez, c'est le moment de se détendre les sphincters, ma chère Yuko ! En me libérant, vous avez gagné les cent-cinquante-mille euros !
Yuko tombait des nues. Quel esprit tordu pouvait concevoir un pareil jeu, si tant est qu'on pût les qualifier ainsi ? Tiraillée entre plusieurs émotions antagonistes, elle ne sut quoi répondre.
— Ça n'a pas l'air de vous faire plaisir, s'inquiéta Stanislas.
— Tous ces morts...
— Oh non, pas de ça avec moi, Yuko ! Cet argent, vous le vouliez tous pour la même raison et personne, de toute évidence, n'aurait opté pour la division du gâteau. Croupir dans une prison déjà surchargée ou finir ici, avec l'espoir de pouvoir payer sa caution, le choix était vite fait, avouez.
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