I love the color of your beautiful eyes

4 minutes de lecture

Je ne dors pas, impossible de fermer les yeux. Je compte les auréoles d’humidité au plafond. Ce motel est peut-être le pire que j’ai jamais vu. Je ne sais pas ce que Les Yeux Bleus a pensé en rentrant dans la piaule, mais elle a dû se demander ce qu’elle foutait là. Elle me tourne le dos et je pense qu’elle s’est endormie. Pas moi. D’ailleurs, je ne pionce plus depuis qu’elle a répondu à mon message.

« J’arrive demain à dix-huit heures. »

Mon cœur a dératé à sa lecture.

Je crois que c’était la première fois que cela m’arrivait. Comme une sorte de boule de feu dans le ventre, un truc qui m’a collé au mur, vidé de tous mes organes pour ne laisser que plénitude. Une secousse tellurique d’amplitude dix. Moi qui avais appris à ne penser qu’avec mon entrecuisse, voilà que j’étais soumis au diktat de ce qui me servait de patate. Il était où le Marsh pragmatique, celui qui réfléchissait avant d’agir, celui qui ne voyait l’amour qu’au travers du prisme de son regard d’ado.

Qu’est-ce qui t’as pris, mec ?

Cette gonzesse était prête à te coller une bastos et toi tu t’es entiché d’elle.

C’est comme ça.


Dans la foulée de son SMS, je suis allé me trouver une caisse. Il me restait une petite liasse de billets, j’ai acheté un vieux Mitsu L200. Le genre de bagnole increvable. Le vendeur, un type gaulé comme une boule de bowling croyait avoir affaire à un charlot. Quand il était à côté de moi, on aurait dit une bille de billard et moi, la queue prête à l’envoyer se réfugier dans un coin de table. Drôle d’image. J’ai joué là-dessus. De charlot, je suis devenu son meilleur ami, presque il m’aurait balancé toute sa vie si je lui avais demandé. Ce type ne devait vendre qu’une bagnole par siècle, pour lui, j’étais un ange tombé du ciel. Pour le coup, il a mis quatre pneus neufs, et a passé l’aspirateur dans l’habitacle.

Le lendemain, je me suis rendu à l’aéroport. Je ne sais pas ce que je m’étais imaginé pour nos retrouvailles, mais pas ce fiasco. Je ne suis pas le genre de gars romantique qui regarde les films de Noël à la télé, pourtant, je m’attendais à autre chose. Deux phrases échangées, même pas une bise.

C’est parti en vrille.

C’est comme ça.

Elle s’est couchée sur le lit, je me suis allongé à côté d’elle. Je la devine les griffes dehors, alors je ne fais rien. Enfin si, je cogite.

Je savais que j’étais un gros naze, mais là ! Chapeau Marsh, t’as décroché le pompon.

Merde, elle a lâché son job en rentrant en France, a tiré une croix sur Tony les bras longs et elle est revenue rien que pour toi. Si ce n’est pas une preuve d’amour… et je ne lui ai même pas dit que ses yeux noisette à la pistache étaient magnifiques. Un lourdingue hors catégorie.

À force de compter les taches qui constellent mon ciel, je finis par m’endormir… pas longtemps.


Un faisceau de phares de bagnole raye la vitre de la chambre. La luminosité me réveille. Je regarde l’heure. 2 : 47.

Enfoiré, peut pas éteindre ses lumières, celui-là ?

Je me lève, m’approche de la fenêtre. Les phares s’éteignent. Une grosse caisse noire est stationnée devant la réception du motel. Quatre gus, plus balaises que Schwarzy en descendent. Ils ont des grosses pétoires aussi longues qu’un jour sans pain, et des gilets pare-balles. Ils ressemblent à des bibendums. Sur leur veste, marqué en gros : FBI.

Doivent chercher quelqu’un, je ne voudrais pas être à sa place. Sûr qu’il va passer un sale quart d’heure. Les quatre types rentrent à l’accueil lorsque je vois un vieil homme remonter dans sa guimbarde et disparaître. L’indien qui m’a déposé ici.

Ça ne fait qu’un tour dans ma petite tête… l’explosion, le corps de Dents Dorées. Ils sont à mes basques, c’est moi qu’ils cherchent. Merde ! Il leur aura fallu cinq semaines pour remonter la trace et cet enfoiré de vieil homme pour les conduire jusqu’ici.

Je réagis dans la seconde. J’attrape mon sac, celui de Les Yeux Bleus, puis la réveille. Elle est dans le pâté et ne me capte pas. Enfoiré de jet lag ! J’en oublie ma blessure et la charge sur une épaule, comme un sac. J’ouvre la porte. Les gus du FBI sont encore à la réception. Doucement, je vais jusqu’au Mitsu. Je balance Les Yeux Bleus sur le siège passager, puis prends le volant. Sans allumer les phares, je taille la route.

Elle émerge un peu plus loin et me regarde d’un drôle d’air.

– Marsh, on est où ?

Sa voix ressemble à du brouillard.

– Quelque part sur la route.

You’re so funny ! Je vois bien qu’on est sur la route.

Merde, elle parle anglais maintenant !

– Je te demande où on est et où on va ?

– Je sais pas, je roule plein Nord, on verra plus tard.

– Et ça te prend en plein milieu de la nuit ?

– Hmm… Je t’ai dit que j’adore la couleur de tes yeux ?

Elle ne dit rien, me sourit.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Marsh walk ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0