Chapitre 2 : Mike et Grand-Pa (Partie 1 : un matin avec Grand-Pa)

6 minutes de lecture

Il était sept heures trente, et le soleil se levait au loin sur l’océan. Mike entra dans la cuisine avec un grand sourire, Grand-Pa était installé derrière les fourneaux, préparant son full Scottish breakfast. Ce repas était important pour la petite famille. Depuis qu’il avait cinq ans, ils se donnaient rendez-vous autour de la table pour le petit déjeuner, c’était un rituel auquel ils étaient attachés. Le matin, Joseph qui cuisinait et le soir venu, Mike et Grand-Ma devenaient les chefs.

Grand-Pa, la poêle dans la main faisait cuire le bacon, les champignons, la tomate et le fromage, le tout accompagné d’un œuf au plat. Sa spécialité était l’Aberdeen Rowie et surtout, en bon écossais, il ne fallait pas partir sans avoir mangé un bol de porridge. Une ancienne superstition voulait que pour se protéger des mauvais esprits, le porridge devait être remué uniquement avec la main droite et toujours dans le sens des aiguilles d’une montre. Grand-Pa était gaucher, aussi c’était un moment à ne pas manquer parce qu’il était hors de question de faire autrement.

En principe, Grand-Ma s’asseyait en face de Mike et lisait quelques pages d’un livre à tout son petit monde. Ce matin, elle n’était pas à sa place.

  • Mike, nous attendons Grand-Ma, elle ne va pas tarder.
  • Tu sais si elle a pu joindre Tante Beth ?
  • Oui, elle l’a eue hier dans la soirée.
  • Tant mieux.
  • Ce n’était rien, elle a fait un léger malaise, mais tout est rentré dans l'ordre.

Depuis la perte son mari l’hiver précédent, tante Beth vivait seule dans sa ferme à Garynahine à une vingtaine de minutes de Stornoway et Olivia s’y rendait plusieurs fois par semaine pour passer un moment avec elle. L’unique fils de Beth habitait à Glasgow et ne venait que rarement sur l’île, son travail ne lui permettait pas de lui rendre visite. Les dernières vacances, ses petits enfants étaient venus lui rendre visite, depuis elle se sentait un peu seule.

  • Cela me rassure. Grand-Ma se faisait beaucoup de soucis.
  • Beth vous recevra bien mercredi pour le repas de midi. Olivia m’a dit que vous alliez faire une virée ?
  • Oui, je lui ai promis de l’accompagner.

Grand-Ma entra dans la pièce, un recueil à la main, avec un visage plus détendu.

  • Bonjour, Mike. As-tu bien dormi ?
  • Oui, une bonne nuit pour entamer cette belle journée.
  • Allez, installez-vous je vous ai fait des Tattie Scone, et elles seront moins bonnes si elles refroidissent.

Hugh vint s’asseoir, déposant son museau sur les genoux de sa maîtresse. Elle posa sa main en douceur sur sa tête. Ils étaient heureux de pouvoir se réunir et discuter autour du petit déjeuner de Joseph. Olivia et Joseph savaient que Mike allait suivre son chemin, et qu’ils devraient le laisser quitter le nid. Mike avait souvent réalisé des stages au cours de ses deux dernières années, mais il ne s’absentait jamais plus que quelques semaines. Ils voulaient encore profiter de ces instants. À la fin de cette année, Mike aurait des choix à faire et peut-être que Stornoway ne serait plus son unique port d’attache.

  • Mike, as-tu une idée de ce que tu veux acheter ? interrogea Joseph.
  • Non, pas vraiment. Je verrai une fois sur place.
  • Très bien, nous partons dans dix minutes.

Mike et Joseph montèrent dans la Triumph deux milles, petit joyau de Grand-Pa et partirent en direction de Stornoway.

Joseph se gara proche du petit port. En descendant de la voiture, il salua William qui rentrait avec son chalutier de la pêche. Joseph se tourna vers Mike.

  • Nous finirons à pied, ça te va ?
  • Oui, nous pourrons profiter des embruns.
  • Tu préfères aller chez Mc Tweed ou Gentlemen’s Shop ?
  • Commençons par Mc Tweed, j’ai vu une veste plutôt sympa en vitrine.

Joseph avançait d’un bon pas échangeant quelques salutations par ci par là. Il était bien connu dans la petite bourgade et particulièrement apprécié. Il avait énormément fait pour la ville, quand il en était le jardinier en chef. Le dernier projet, qu’il avait réalisé, était l’aménagement du parc municipal. Les rosiers, qui dessinaient les allées, parfumaient le lieu pendant tout l’été. Au centre du parc se trouvait un kiosque, et la quiétude du lieu contrastait avec l’animation des quais où débarquaient les voyageurs du ferry juste à quelques pas de là. Les promeneurs se retrouvaient dans ce havre de verdure pour se relaxer un instant, les amoureux s’installaient pour un moment d’intimité, cachés derrière les chèvrefeuilles et les jasmins. Les haies de Hêtres servaient d’abri pour une cabane à livres et de nichoirs pour les oiseaux. Au fond du parc, un bassin avec des nénuphars, était un petit trésor que seuls les curieux découvraient en allant au bout de l’allée de rhododendrons. Pour les enfants, il avait construit des cabanes en rondins qui formaient un petit village à l’entrée. Les jeunes se retrouvaient pour jouer à l’intérieur avec les jeux en bois confectionnés par Stanley le charpentier de la ville. Les parents aimaient eux aussi, se glisser avec leurs enfants à l'intérieur pour une partie de dames, d’échecs et jeux de palets. Ce parc était un lieu de rencontres. Olivia avait peint chaque espace en plusieurs tableaux qui aujourd'hui se trouvaient accrocher dans le hall de la mairie.

Après avoir longé le parc, ils arrivèrent à l’entrée de la rue piétonne. William les avait rejoints pour discuter avec Joseph de leur future sortie en mer de mercredi. Mike s’était stoppé devant la boutique Attrape-Rêves. Posée sur un présentoir en velours rouge, une broche retenait son attention. Elle représentait une fée sertie de petites émeraudes. Il reconnut le travail de l’artiste. Ils avaient étudié ensemble au Lews Castle College. Voilà trois ans qu’ils avaient obtenu leur diplôme, et chacun d’eux avait poursuivi leur route. Cette jeune femme aux cheveux dorés et aux grands yeux bleus ne l’avait pas laissé indifférent en ce temps-là. Ils avaient partagé des moments agréables, flirtés. Pourtant ils avaient rapidement perçu l’un comme l’autre qu’il ne s’agissait là que d’une simple amourette. Au moment où Il entrait dans la boutique, où il surprit Emy dans les bras de son mari, échangeant un baiser. Mike et Emy étaient restés bons amis, et elle lui avait même demandé d’être son témoin, il y a un an pour son mariage. Emy et Ian formaient un couple charmant. Mike songea à ce bonheur qu’il connaitrait peut-être un jour à son tour. Il avait vécu avec Grand-Ma et Grand-Pa, et sous ses yeux il les voyait chaque jour toujours autant amoureux. Il ne se souvenait pas d’avoir vu un seul jour d’orage entre eux. Emy regardait son ami avec tendresse, tenant son mari par la main, elle sortit Mike de ses pensées.

  • Salut Mike, quelle bonne surprise de te voir ici ce matin.
  • Bonjour Emy. Je fais des courses avec Joseph et, en passant devant ta vitrine, j’ai vu cette broche sur le présentoir en velours rouge.
  • Celle avec les émeraudes, c’est bien ça.
  • Oui, elle est très jolie.
  • Dis donc Mike, tu as trouvé une lass ? le taquina Ian.
  • Bonjour Ian, je ne voulais pas vous déranger.
  • T’inquiète j’allais partir travailler, ne me laisse pas sans savoir, une bonnie en vue ?
  • Arrête de l’embêter avec ça, le sermonna Emy.
  • Non désolé de te décevoir. C’est un cadeau pour Olivia, dès que j’ai vu la broche j’ai pensé à elle.

Emy mit la broche dans un petit coffre en bois qu’elle réalisait également, un cadeau autour du cadeau, c’était une attention de plus que ses clients appréciaient. Ian déposa un baiser sur la joue d’Emy et s’éclipsa déçu de ne pas avoir découvert quelle fille pourrait faire chavirer le cœur de Mike.

  • Tu es prêt pour ce week-end Mike ?
  • Encore quelques bricoles par-ci, par-là, mais ça devrait le faire.
  • Tu sais, nous serons tous avec toi, après tout c’est toi le meilleur.
  • N’exagère pas, tu n’es pas la plus objective.
  • Oui, peut-être. Mais ce dont je suis certaine, c’est que tu ne laisseras rien au hasard.
  • Merci. Allez, il faut que je te laisse, mon marathon a commencé.
  • Bon courage à toi et n’oublie pas de donner de tes nouvelles de temps à autre.

Mike sortit avec sa boite en bois dans la main, Joseph l’attendait devant la boutique l’air amusé.

  • Emy allait bien ?
  • En pleine forme, et d’ailleurs elle te salue.

Emy faisait des grands coucous derrière son comptoir avec un sourire des plus charmant.

Joseph retira son béret pour lui rendre son bonjour.

  • Qu’as-tu acheté ?
  • Un cadeau pour Grand-Ma, en le voyant j’ai su qu’il était pour elle.
  • Tu es un bon petit gars.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 13 versions.

Vous aimez lire Attrape rêve ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0