Chapitre 3 : Les Jardins de Lews Castle (Partie 1 : Olivia, Grand-Ma une artiste)
Le réveil sonna, encore et encore. Pourquoi ? C’était bien trop tôt, pensa Mike. Il ne se souvenait pas à quelle heure il avait fini par s’endormir. Il se rappelait avoir regardé l’horloge posée sur le bureau vers deux heures du matin. Puis il avait pris son dossier dans son lit, pour le relire. Il avait dû s’assoupir parce qu’il venait de se réveiller avec les lunettes sur le nez.
– Bon allez, pas le temps de se lamenter, Mike ! Pas question d’arriver en retard !
Il sauta du lit, attrapa sa serviette et fila sous la douche en chantonnant : « I believe, I can fly » qui passait à la radio. Après un réveil tonique sous l’eau fraiche, il s’habilla d’un pantalon en toile bleu marine, d’une chemise blanche, et d’une cravate bordeaux, le tout s’associait avec la veste qu’il venait d’acheter chez Mac Tweed. Il avait tout préparé la veille sur son valet de pied. Il ne laissait rien au hasard, un peu maniaque tout devait être nickel. Il attrapa son sac de sport, dans lequel il avait aussi glissé ses vêtements de travail. Après son entretien avec le Comte, il faudrait avancer les travaux du jardin. Et bien sûr, il avait ajouté ses affaires de golf parce qu’il avait bien l’intention d’aller sur les greens. Une fois prêt, il attrapa au vol sa sacoche d’ordinateur et tous ses papiers. Il fila dans les escaliers en essayant d’être le plus discret possible. Grand-Ma était rentrée vers minuit de son exposition, il ne voulait pas la réveiller. Il regrettait de ne pas avoir pu s’y rendre. La partie de golf s’était terminée bien plus tard qu’il ne l’avait imaginé. Ils auraient tout le temps d’en parler au cours de la journée de demain pendant leur sortie.
Mike entra dans la cuisine, Grand-Pa l’attendait. Une bonne odeur de bacon et d’œuf titilla ses narines. À ce doux parfum s’ajouta l’effluve de thé à la cannelle. Grand-Ma était, elle aussi réveillée, assise à table avec son livre à la main lisant quelques lignes à voix haute. Hugh était venu s’installer à ses pieds, il se redressa en entendant Mike.
– Bonjour mon grand, dit-elle en souriant.
– Tu es réveillée, je pensais que tu aurais pu en profiter pour dormir.
– Non, j’ai un rendez-vous ce matin à la galerie.
– Ton exposition s'est bien passée ?
– Un vrai succès, lança Joseph avec enthousiasme.
– Oui, c’est pour cela que le directeur m’a appelée hier soir en rentrant, Neil a un projet à me proposer.
– C’est super Mumy.
– Allez à table, le Comte t’attend dans une heure, et il apprécie la ponctualité, lança Joseph, avec une poêle dans une main et un bol dans l’autre.
– Oui Grand-Pa, tu as raison, et puis j’ai très faim.
– Joseph m’a raconté votre match-play. Une après-midi mouvementée, poursuivit Olivia.
– Tu ne penses pas si bien dire Mumy !
– Et c’est quoi cette histoire de balle perdue ?
– Un vrai mystère, qui ne demande qu’à être élucidé aujourd’hui, pour la paix de mon âme.
– Raconte-moi.
– Non, parle-moi plutôt de ton exposition, il y avait du monde ?
– Bien plus que je n’aurais pu imaginer.
– As-tu vendu des tableaux ?
– Trois, dont un à Lady Mac Graig. Elle veut l’offrir à sa fille qui vient d’être diplômée en œnologie.
– La femme de Lord Graig, des whiskys Graig ? interrogea Joseph.
– Oui, c’est bien elle, une femme d’une grande beauté. Nous avons pu discuter toutes les deux, c’était tellement intéressant.
– Lequel a-t-elle choisi ? demanda Mike par curiosité.
– Celui sur la plage, où une petite fille joue avec son cerf-volant. Ses parents marchent derrière elle, les pieds dans l’eau, main dans la main.
– Très bon choix, annonça Joseph, tout en avalant son porridge.
– Elle m’a dit que dès qu’elle l’avait vu, elle avait été touchée par la scène. Cela lui rappelait des moments vécus avec son mari et sa fille.
Mike pensa que sa grand-mère était une artiste accomplie. Elle croquait avec simplicité et sensibilité les scènes du quotidien. Ses œuvres semblaient vivantes. Elles dessinaient toujours ses personnages de dos. Autour d’eux les paysages et les monuments étaient peints dans des tons pastel qui accentuaient la douceur de l’instant. Joseph et Mike avaient souvent servi de modèles. Ses tableaux ne laissaient personne indifférents.
En entendant Olivia parler de sa conversation avec Lady Graigh, Mike réalisa que les œuvres de Grand-Ma étaient des toiles que les gens pouvaient s’approprier. Mike se souvenait d’un jour, où la voyant peindre, il s’était approché pour regarder par-dessus son épaule. Il avait été hypnotisé par ses doigts, leur dextérité, et la magie du dessin prenant forme. Ce matin-là, elle lui avait prêté ses pastels et l’avait laissé griffonner sur une feuille blanche. Il devait avoir cinq ou six ans. Olivia avait pensé qu’il gribouillait, mais quand elle avait observé de plus près, elle avait découvert, qu’il avait dessiné ses mains avec à l’intérieur de chacune un cœur. Certes les traits n’étaient pas sûrs, la représentation pas totalement maîtrisée, mais Olivia avait été émue, et des larmes lui avaient échappé.
Pendant que Mike finalisait son œuvre d’enfant, Olivia s’était installée derrière lui. Elle avait peint son petit-fils dessinant dans le salon, assis sur le tapis avec Hugh allongé, qui lui servait d’appui. La douce lumière de la cheminée donnait une chaleur réconfortante au tableau, comme une lueur d’espoir. Elle intitula la toile « un cœur pour toi ». Cette œuvre avait été achetée par le musée Modern Two anciennement Dean Gallery à Edinburg. Elle y avait une place de choix et avait été souvent prêtée pour des soirées caritatives. Quant à Olivia, elle avait encadré le dessin de Mike et l’avait accroché dans sa chambre, au-dessus de sa coiffeuse.
Mike termina sa tasse de thé et attrapa son blouson.
– À ce soir Mumy, j’essaye de rentrer pour préparer le diner avec toi.
– Grand-Père ne t’a pas dit, Henriett nous a invités à manger. C’est leur soir de fermeture.
– Quelle bonne idée !
– Ils veulent fêter ta qualification pour Saint Andrews.
– Ok, de toute façon je serai sur place. Je dois aller taper quelques coups.
– Ah oui, et puis tu as un autre rendez-vous.
Mike regarda Olivia, surpris. Zut il avait dû oublier quelque chose.
– Avec qui ?
– Sherlock Holmes !
Il ne comprenait pas ce qu’elle avait en tête. Grand-Ma avait un petit sourire en coin.
– Oui, il ne sera pas de trop pour t’aider à retrouver ta balle !
– Mumy, s’il te plait !!
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