Chapitre 4 : Une virée avec Grand-Ma (Partie 5 : La lettre d'Ophélie).
Mike escalada la colline pour admirer le point de vue. Le panorama esquissait un tableau à ciel ouvert à couper le souffle. Un sentiment de liberté envahissait son âme. Des moutons flirtaient avec le vide au bord des falaises. Ici aucune barrière, aucune limite ne contraignait le randonneur. La plage, avec son eau bleu turquoise et son sable fin semblait irréelle. Mike longea un cimetière et aperçut une silhouette agenouillée près d’une tombe. Sans un bruit, il avança pour ne pas rompre le recueillement et garda ses yeux rivés sur l’océan.
– Mike, c’est bien ton prénom ? demanda une petite voix dans son dos.
Il se retourna. La fillette qui l’avait bousculée au village se métamorphosa devant ses yeux comme par magie.
– Comment connais-tu mon prénom ? l’interrogea-t-il surpris.
– J’ai entendu les deux dames au village. Elles t'ont appelé par ton prénom à plusieurs reprises.
– Mais que fais-tu là, toute seule ? Où sont tes parents ?
– Je ne sais pas. Là-bas, à me chercher, dit-elle en balayant du doigt l'espace.
– Ils doivent être mort d'inquiétude.
– Oui sûrement, répondit-elle avec calme. Tu sais qu’ils ne sont pas mes parents ? poursuivit-elle sans sourciller.
– Que veux-tu dire par là ?
– Eh bien ils m’ont adoptée, bêta, dit-elle avec un sourire.
Mike, surpris par la réponse, ne savait plus trop sur quel pied danser.
– Tu connais mon prénom mais toi comment t'appelles-tu ?
– Ophélie.
– Quel âge as-tu ?
– Bientôt neuf ans, annonça-t-elle avec aplomb.
– Et pourquoi Ophélie se promène-t-elle toute seule ? Ce n’est pas prudent.
– Suis-moi, je vais te montrer.
Ophélie lui prit la main et Mike se laissa guider jusqu’au cimetière. La fillette s’arrêta devant un cairn et s’agenouilla.
– Approche, dit-elle en tapotant le sol pour qu’il vienne s'asseoir à ses côtés.
Elle attrapa une lettre et la lui tendit.
– Il y a quatre ans, j’ai rencontré une belle princesse sur cette plage. Assise là face à l’océan, elle écrivait.
Mike fut intrigué. Il y avait tant de légendes dans l’île, l’enfant avait peut-être rêvé.
– Elle m’a dit, que si je me sentais seule, abandonnée, que si je me posais des questions, je n’aurais qu’à revenir ici pour lire la lettre, et cela me calmerait.
Mike, bouleversé, lui demanda :
– Tu étais en train de la lire quand je suis arrivé, c’est bien ça ?
– Oui, parce qu’aujourd’hui, tu te rends compte, je sais lire. C’est une magicienne, elle avait raison, je me sens mieux.
– Très bien. Du coup, je peux te ramener au village ?
– Oui s’il te plait. Est-ce que je peux te confier la lettre ?
– Tu ne veux pas la remettre à sa place.
– Non, elle est pour toi , ajouta-t-elle sans hésiter.
– Pourquoi ?
– Parce qu'elle a su me réconforter, et toi tu viens de me sauver.
– Mais je n’ai rien fait.
– Bien sûr que si, tu vas bien me raccompagner jusqu’au village. Tu vas m’aider à retrouver mon chemin.
Mike prit la lettre et sans réfléchir, la glissa dans la poche de son blouson. Ophélie ne lui lâcha pas la main. Le chemin du retour ne fut pas simple et rempli d'embûches. Le sol gorgé d’eau se transformait parfois en marécage. Hugh ouvrait la route.
Olivia et Beth attendaient à côté de la coccinelle, en grande conversation avec les parents de la fillette. Tous semblaient inquiets. Quand Mike apparut avec Ophélie, la maman de celle-ci fondit en larmes.
– Promets-moi que tu ne partiras plus, la supplia-t-elle.
– Promis maman. On peut rentrer à la maison maintenant.
À ces quelques mots prononcés, les parents prirent dans leurs bras l’enfant, le bonheur se lisait sur tout leur visage.
– Mike, je ne sais pas si tu rencontreras un jour ma fée, mais si c’est le cas, remercie-la de ma part.
Olivia regarda Mike, qui lui répondit avec un tendre sourire :
- Mummy, je te raconterai.
Et ajouta en direction d’Ophélie
– Promis et sois bien sage.
La petite fille prit la main de ses parents et s'évapora une fois de plus.
– Mummy, je pense que tu as devant toi ta prochaine toile sur fond de Black Houses.
Mike, Olivia et Beth reprirent la route, en chemin Mike leur raconta son étrange rencontre avec Ophélie. Olivia lui raconta la version des parents. En mettant bout à bout chacune des histoires, tout semblait plus clair. Ophélie avait été adoptée à six ans après avoir vécu deux ans en famille d’accueil. Elle avait perdu ses parents pendant leurs vacances sur l’île, ils étaient partis en mer, la tempête s’était levée, le bateau de plaisance avait alors fait une embardée et s’était échoué sur la plage de Garraman. On n’avait jamais retrouvé leurs corps. L’enfant était seul sur l’épave. Elle a vécu deux ans ici, avant d’être adoptée par ce charmant couple. Ophélie ne parlait que depuis un an seulement, et la première chose qu’elle leur a dit, c’est qu’elle devait venir ici pour trouver quelque chose.
– J’ai le sentiment que tout va aller pour le mieux pour elle à présent.
Mike prit une pause en songeant à la lettre dans sa poche.
– Qu’est-ce que tu voulais dire Mike ? demanda Olivia.
– Elle a trouvé une lettre écrite par sa marraine la fée. J’ai tout d’abord cru à un conte, une légende jusqu’à ce qu’elle me la confie.
– Et tu l’as ouverte ? questionna Beth curieuse.
– Non.
– Vas-tu le faire ? insista Beth.
– Je ne sais pas.
Ils remontèrent la route en direction du petit port pour conclure cette journée. Les sœurs s’assirent à la terrasse du pub pour apprécier leur thé face à l’océan. Olivia observait Mike songeur, assis sur un rocher, la lettre à la main, il admirait le soleil couchant.
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