Chapitre 5 : Un matin d’octobre à Pitlochry - Partie 1 : Révélation. (nouvelle version)
Le silence envahissait l’habitacle, Isabel conduisait et Céléna, à ses côtés, semblait à mille lieues de là. La voiture s’arrêta sur le parking, mère et filles descendirent et s’assirent sur un banc pour déjeuner quand Céléna se décida à parler.
– Maman, pourquoi tous les hommes ne ressemblent-ils pas à Papa ?
– Pourquoi me demandes-tu cela ? la questionna Isabel surprise.
– Parce qu’il prend tellement soin de toi, parce qu’il t’aime tout simplement.
– Que s'est-il passé Céléna, depuis Noël ? Dis-moi ! insista-t-elle.
– Il m’a trahie, blessée, bafouée.
– Que t’a-t-il fait ? Il n’a pas abusé de toi au moins ? s'inquiéta Isabel en entendant les affirmations sans appel de sa fille.
– Non, enfin pas comme tu l’imagines, lâcha-t-elle dans un soupir.
Céléna tremblait. Elle se blottit dans les bras de sa mère, des larmes plein les yeux
– Le salopard m’a trompée ! dit-elle sans sourciller. Au retour à Bordeaux après Noël, tout semblait aller pour le mieux. Mais un soir, tout à basculé. Alors que je lui rendais une visite surprise à son appartement, mon monde s’est effondré. Aux alentours de vingt heures, les bras chargés de courses, je me présentais devant sa porte. Jusque là rien d’exceptionnel, il m’avait confié ses clés. En y repensant je me demande si ce n’était pas calculé de sa part. Une fois dans le hall, j’ai perçu des paroles étouffées puis des gémissements. Tout d’abord, j’ai pensé à des intrus. Armée de la bouteille de Bordeaux que j’avais apportée pour l’occasion, je suis rentrée. Tu me connais, je ne pouvais pas rester sans rien faire. Là aussi, je réalise mon imprudence. J’ai avancé jusqu’à la chambre. Les battements de mon cœur accéléraient. Je pensais le trouver en train de lutter avec des voleurs. J’ai poussé la porte.
Céléna fit une pause pour prendre un peu d’air et enchaîna :
– Ils étaient là, dans son lit ! Là où nous étions la veille. Martin ne pouvait pas mentir. D’ailleurs, il ne nia pas. Au contraire, avec un sourire en coin, ce goujat n’a rien trouvé de mieux à dire : « joins-toi à nous, tu verras c’est sympa » ! Furieuse, j’ai claqué la porte et me suis enfuie.
– Oh ma douce, je suis tellement désolée de ne pas avoir été là pour toi. Pourquoi ne m’as-tu pas appelée ?
– Je ne pouvais pas, j’avais honte. Honte de vous l’avoir présenté. Honte de lui avoir autorisé à entrer dans nos vies. Honte qu’il se soit joué de vous quelques jours auparavant. Honte de n’avoir rien vu. Peu de temps après, j’ai appris qu’il n’en était pas à son coup d'essai.
– Tu veux dire qu’à Noël ? s’interrompit Isabel.
– Oui, ici aussi. Je pensais que tout était fini, mais monsieur est venu frapper à ma porte deux jours après, pour s’excuser, me dire qu’il m’aimait, et qu’il ne recommencerait pas.
– Rassure-moi, tu ne l’as pas cru ?
– Oh, bien sûr que non. Heureusement pour moi, Alexandre et Betty étaient là pour me soutenir.
– Pourquoi qu’a-t-il fait ? s’affola Isabel.
– Pendant le mois suivant, Martin m’appelait tous les soirs et se présentait à l’improviste à l’appartement. J’arrivais à l’éviter à l’école mais il me harcelait jusqu’à ce que je le menace d’aller voir la police.
– Alors il s’est arrêté ? s’inquiéta Isabel.
– Plus ou moins. Cet abruti a posté des photos de moi en petite tenue, dont une prise entre autres dans le magasin de Madame Mac Naam. Il en a même publié une de moi entièrement nue sur les réseaux. Il les avait prises à mon insu quand nous sortions ensemble. Martin a fait courir le bruit que j’étais une fille facile et disponible à toute heure pour une petite gaterie !!!
– Comment a-t-il pu oser ? s’offusqua Isabel.
– Il a aussi essayé de me faire virer de l’école. Je suis finalement allée voir la police. Le commissaire m’a dit que ce n’était rien qu’une broutille d’amoureux, que je n’avais qu’à bloquer mes comptes et changer mes adresses mails.
– Quel culot ! Et pour l’école ?
– Cela fut tout aussi compliqué !
– Et aujourd’hui tu en es où ?
– Je suis rentrée à la maison, mon diplôme en poche, soupira Céléna libérée d’un poids.
– Et il continue ? l’interrogea sa mère.
– Non, je n’ai plus de nouvelles. Il a dû trouver quelqu’un d'autre à importuner, harceler et baratiner. Alexandre a mené son enquête, d'après les informations qu’il a glané de droite à gauche, je n’étais pas sa première proie.
– Tu veux que papa appelle son ami de Bordeaux, pour qu’il se renseigne ?
– Je ne sais pas trop, oui peut-être au cas où ! Je ne le laisserai plus me gâcher la vie. Je veux avancer et passer à autre chose. J’ai beaucoup de travail et je veux que papa soit fière de moi.
– Il l’est déjà et bien plus que tu ne pourrais le penser, dit sa mère avec un sourire bienveillant.
– Tu as de la chance de l’avoir dans ta vie.
– Rassures-toi, toi aussi tu rencontreras l’homme bon qui te comblera.
– Pour l’instant, j’ai mieux à faire.
– C’est une chose que l’on ne programme pas.
– Maman, pardonne-moi de ne pas t’en avoir parlé avant, mais je culpabilisais.
– Ce n’est pas grave et puis tu l’as fait maintenant. Tu avais besoin de faire le point. Papa avait raison ce matin.
– Pourquoi ?
– Parce que je voyais que quelque chose n’allait pas, et il m’a dit d’attendre, que c’est toi qui viendrait en parler quand tu t’en sentirais prête. Maintenant passe à autre chose, c’est sûr qu’il n’en valait pas la peine. Tu mérites cent fois mieux.
Un poids venait de se lever. Céléna sentit son pouls ralentir, apaisé par les mots de sa mère. Après tout, elle n’avait rien fait de mal et si quelqu’un pouvait bien la comprendre, c’était ses parents.
Elles finirent leur repas, retrouvant leur complicité après dix mois passés loin l’une de l’autre.
– Ça te dit maman d’aller au Théâtre on The Hill après notre balade dans les jardins, proposa Céléna.
Mère et fille, bras dessus-dessous, pénétrèrent dans le jardin. Ce lieu était magique. Dans une après-midi, dans ce lieu, vous visitiez le globe, en admirant de belles architectures, une faune et surtout des plantes inhabituelles. Ainsi, elles purent admirer l’écureuil rouge, craintif, mais néanmoins très curieux. Les espaces se coloraient de ses belles teintes d’automne et les érables japonais étaient en feu. Une bouffée d’optimisme envahit Céléna. Le soleil déclinait, il était temps de rentrer.
À leur retour à la maison, Harold assis dans le salon regardait la télévision, son équipe préférée de rugby jouait.
– Bonsoir, avez-vous passé une belle journée mère-fille ? demanda-t-il heureux de les retrouver.
– Génial. Je vais me changer, lui répondit Céléna qui disparut aussitôt, montant les marches deux par deux.
– Eh bien, ravi de voir notre fille aussi souriante, ajouta Harold.
– Je te raconterai.
Cette réponse ne fut pas celle que Harold attendait. Il interpella Isabel avant que celle-ci ne sorte de la pièce.
– Je devrais être au courant de quelque chose ? l’interrogea-t-il.
– Nous en parlerons tous les deux ce soir. Nous risquons d’être en retard, si je ne vais pas me changer.
– D’accord mon cœur. Ta nouvelle coupe de cheveux te va à ravir.
Harold en homme attentionné, avait toujours le mot juste, Isabel revint sur ses pas pour l’embrasser.
– Toi, tu es merveilleux.
Vingt minutes et trois essais plus tard, Céléna et Isabel apparurent.
– Vous avez été efficaces ! les taquina Harold.
– Dis donc papa ! le gronda Céléna.
– Juste à temps et nous devons nous presser, ajouta Isabel.
Céléna passant devant son père, il ne manqua pas de la complimenter à son tour sur sa coiffure.
– Au fait, avant que j’oublie, Lily m’a dit de te prévenir que tes achats t’attendent dans le dressing.
Harold attrapa le manteau d’Isabel, l’aidant à l’enfiler.
– Toujours aussi galant mon cœur.
La soirée au théâtre fut un vrai succès. Au retour au Castle Leoch, Céléna savourait chaque instant, entourée de ses parents. Dix mois, dix longs mois qu’elle n’avait pas pu les prendre dans ses bras aussi elle rattrapa le temps perdu. Isabel la regarda monter les escaliers et sourit. Elle avait bien grandi la fillette qui filait dans le couloir de l’orphelinat, il y a vingt ans. Sa fille qu’elle aimait tant, devanait une femme accomplie.
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