Sur le quai, Mike observait les voyageurs qui prenaient place à bord du ferry. Il était à peine six heures du matin, les lampadaires éclairaient la ville encore assoupie. Olivia et Joseph, sur le pont supérieur, appréciaient Stornoway, si charmante avec ses maisons aux façades colorées.

Tous les trois aimaient contempler la ville s’éloigner à chaque fois qu’ils embarquaient. Au retour, ils ne pouvaient rester en cabine, trop heureux de retrouver cette vue sur ce tableau à ciel ouvert. Olivia avait réalisé une première toile en dégradé de gris sur le thème du départ du ferry et une seconde plus colorée pour le retour. Une fois de plus, les deux œuvres avaient trouvé une place de choix dans le hall d’embarquement. Grandma avait ainsi semé aux quatre coins de l’île des petites touches de son talent, telle une empreinte.

Mike se souvenait de chacun des dessins, tous étaient remplis de couleurs, une palette de pastels pour mettre en lumière la ville qu’il aimait tant. Les rues avaient été les zones de jeu de toute son enfance puis de son adolescence. Sur cette île, il avait connu un grand chagrin et pourtant il s’y sentait tellement bien.

Dès que la ville ne fut plus qu’un point minuscule dans l’horizon, Mike rejoignit ses grands-parents à l’intérieur. Le soleil s’extirpa de son lit comme il l’avait fait ce matin, en douceur. D’un pied léger, le jeune homme rejoignait le restaurant pour prendre son petit déjeuner. La traversée dura plus de deux heures. La salle, d’un calme surprenant, bercée par la mer apportait un bien être revitalisant.

Un jeune couple, assis à la table juste à côté d’eux, s’occupait avec bienveillance de leur petite tribu. La gestion de triplé n’était pas de tout repos. Munie de son carnet et de son crayon, Grandma ne perdait pas une miette de la scène qui se jouait, sous le regard attendri de son petit-fils. Mike souriait en imaginant qu’elle serait sa joie d’être à son tour une grand-mère « enfin une arrière-grand-mère » rectifia-t-il ! Il avait tendance à oublier qu’il était son petit-fils.

Olivia était devenue au cours des années une mère autant qu’une grand-mère et il fut gêné à cette idée, comme s’il mettait sa maman entre parenthèses. Il effaça rapidement cette pensée. Puis il observa son grand-père, le nez dans son journal, étudier les pages sportives avec attention.

Mike porta la tasse à ses lèvres, songeur. Agé à peine de vingt-quatre ans, une certitude l’emporta, être père serait pour lui une nouvelle perspective dans un avenir proche. Sa rencontre avec Harrold, les enfants de la plage hier, les triplés aujourd’hui et Ophélie n’y étaient pas pour rien. Chacun à leur façon, lui avaient montré cette part de lui ancrée dans un coin de son cœur.

« Enfin gros bêta, pour avoir des enfants, il faudrait trouver la mère qui voudrait partager ces moments avec toi », pensa-t-il ! Mike posa ses yeux sur les traits qu’Olivia avait déjà dessinés sur le papier. Les traits étaient si réconfortants et réalistes. Mike le savait depuis longtemps, Olivia était douée, une fée qui transformait l’instant par magie.

À ce moment-là, Joseph leva son nez du journal, pour jeter un coup d’œil et lança à Mike :

– Tu savais que McIlroy est finalement forfait pour le tournoi ?
– Non, les journalistes disent quelque chose de particulier ? l’interrogea-t-il inquiet.
– Apparemment, il s’est blessé à l’entraînement et il sera forfait.
– Ce n’est pas de chance !
– Dis toi que tu en auras un de moins à battre.
– Très drôle Grand-Pa !