Quel coup ! Mike Alistair Conroy est un joueur très intéressant, lança le journaliste.

Oui, et il est bien, enchaîna son collègue, nous devrions le retrouver demain sur les greens.

Dommage que le réalisateur ne nous laisse pas sur cette partie, soupira le spécialiste. Ces deux jeunes gens sont en train de nous bluffer, leur partie est passionnante.

Et tous les deux ont un drive exceptionnel, sans pour autant dire que leur frappe soit forcée.

Oui, d’ailleurs Mike est plus fluide dans ses mouvements.

Et avec le putter en main, il est tout autant à l’aise.

Une belle doublette, je pense que nous devrions les revoir rapidement sur nos chaînes.

**

Olivia s’émerveilla. Mike ne dépareillerait pas au milieu des pointures. Grandma était fière de l’homme qu’il était devenu et eut une pensée pour sa fille et son beau-fils qui avaient mis le meilleur d’eux dans cet enfant. Pour être dans le « Cut », l’amateur devait maintenir son avance au cours des quatre derniers trous. Les poursuivants avaient terminé leur journée, les dernières places se jouaient à un détail. Au trou numéro quinze, le doute s'immisça, Mike venait de faire un double-bogey. Après son coup de départ, il avait égaré sa balle et dû droper. Pour finir, sur le green, sa balle effleura la lèvre, tourna autour pour finalement s’arrêter juste au bord sans ne jamais tomber. Joseph intercepta son poulain, il était temps de lui offrir un petit peu d’oxygène. Là où certains auraient jeté la balle un peu sèchement au caddie ou lancé le putt, Mike ne montrait jamais sa frustration ou sa colère. Il se contenta d’avancer lentement vers le sac, rangea lui-même son putter, glissa la balle à Joseph et prit son carnet pour écrire une note.

« Toujours garder le contrôle de soi » et il le glissa dans sa poche. Joseph lui tendit la bouteille d’eau.

Merci Grand-Pa, tu es un précieux caddie, mon meilleur atout.

Nous en reparlerons ce soir, quand tu m’offriras un whisky pour fêter le Cut.

Après avoir réalisé le par au trou numéro seize, il devait se ressaisir pour n’avoir aucun regret. Alors qu’il consultait son carnet, un petit dessin tomba, qu’il s’empressa de ramasser. Le cadeau d’Harrold lui rappela le petit mot qu’il avait écrit au dos « mon héros ». Mike ne pouvait pas le décevoir ni tous ceux qui croyaient en lui, Arthur, Henriett, le Comte O’Brian et Grand-Pa. S’il ne le faisait pas pour lui, alors pour qui d’autre . Il arracha un birdie au trou dix-sept pour continuer d’y croire. Il jeta un coup d’œil sur le tableau de bord. Le dernier trou se présentait face à lui comme le dernier obstacle à franchir, la dernière montagne à gravir. Il lui fallait un maximum de concentration, de confiance en soi. Le golfeur prit son drive, ses doigts effleurèrent les mots que le Comte avait fait graver et il exécuta un dernier swing tout en maîtrise. Mike suivit la balle du regard pour garder le contrôle. Les deux joueurs conclurent leur parcours avec chacun un birdie en poche. Le carte de Wilco, à moins dix en dessous du par, le positionna dans les cinq premiers. Mike lui affichait moins sept.

T’inquiète pas Mike, tu seras sur le green demain, lui dit Wilco, tout en serrant la main de Joseph.

Il y a encore cinq joueurs susceptibles de me virer, ajouta Mike.

Regarde, il y en a un qui vient de faire un double bogey, ça libère de l’espace, annonça Joseph.

Allons signer nos cartes Wilco si tu veux bien, j’attendrai de voir ce qu’il en est.

Mike et Joseph se rendirent vers le club house pour régler les parties administratives. Grand-père et petit-fils se posèrent dans deux fauteuils quand Olivia les rejoignit. La salle, équipée de télévisions, permettait de suivre les derniers participants. Les deux hommes en tête de classement étaient sur le point de finir à leur tour et le suspens restait entier. Il y avait une certaine euphorie liée au tournoi et une atmosphère étrange dans la pièce. Mike ne tenait plus en place. À l’heure actuelle, il occupait la vingt cinquième place. Les cinq hommes encore en piste pourraient lui voler cette chance de poursuivre l’aventure.