Céléna se sentait bien, seule dans la cave. L’espace confiné et sombre l’enveloppait telle la chrysalide dans son cocon. La pièce,creusée dans la roche, était si proche de l’océan que les odeurs qui se dégageaient des murs l’apaisaient. Depuis son arrivée à Saint Andrews, ce dimanche matin lui offrait une pause salvatrice. La jeune femme avait été bousculée, malmenée pourtant elle ne voulait pas se laisser emporter par cette vague d’angoisses à l’idée de croiser la route de Martin. Des larmes coulèrent.

Elle poussa délicatement la table mise à disposition par Hugh, vers le halo de lumière naturelle dessinée par les rayons du soleil. Elle alluma la bougie posée sur l’étagère. La flamme dansait et dessinait des ombres, comme si des êtres surnaturels étaient venus la protéger. Elle saisit la première caisse dans laquelle se trouvaient des morceaux de tartans pliés soigneusement, du ruban, du fil et des aiguilles accrochées. Juste à côté, il y avait des feuilles, une plume et de l’encre pour calligraphier. Dans une enveloppe, des chardons séchés étaient accrochés à une épingle de sûreté, elle les avait fabriqués il y a quelque temps avec sa mère.

Céléna cousait chaque petit carré de tissu en mini-kilt. Puis, elle ajouta un ruban pour faire une ceinture afin d’accrocher l’emblème de l’Écosse, le chardon en lieu et place du sporam. L’ouvrage de couture terminé, elle s’attela à une nouvelle activité apprise au côté de sa mère. La jeune femme songea à la patiente dont Isabel avait fait preuve devant sa maladresse et son manque d’enthousiasme.

Céléna prit ensuite sa plume pour écrire un mot différent sur chaque carte jointe à la caisse. Les organisateurs du tournoi souhaitaient les offrir aux dix premiers. Elle signa chacune d’elle avec ses initiales. Puis, elle débuta le montage, du plus bel effet. Les dix bouteilles dressaient face à elle, telle une armée, de Highlanders, prête à botter en touche l’ennemi des terres écossaises.

Si seulement ce songe pouvait être la réalité, ils chasseraient à coup de claymore Martin et son père. À cette pensée, Céléna sourit. Rory avait eu la bonne idée d’ajouter un mot d’encouragement avec les dix bouteilles fabriquées avec son père, dix ans auparavant, leur premier nectar composé à quatre mains. Elle se souvint avec tendresse de cette première fois. Au petit matin, Père et fille avaient fait le tour du parc, prétextant d’aller observer les oiseaux qui venaient de naître. Une fois devant la distillerie, elle sut que son père avait une tout autre idée en tête. Cette journée était restée gravée en elle. En cette aube naissante à St Andrews, elle découvrait la flasque remplie du nectar et Rory avait ajouté une note : « partage celle-ci avec qui te plaira du moment que tu le fais avec ton cœur ». Elle l’ouvrit pour sentir les arômes qui s’en dégageaient. Elle les connaissait, mais dès que l’odeur de miel arriva à ses narines, elle se sentit transportée par magie dans sa distillerie assise dans le sofa au côté de son père. Tout à coup, elle pensa à la lettre de Monsieur Garnier abandonnée sur le siège avant de la voiture. Céléna n’avait pas eu le temps de la lire.

Elle finissait de remplir chaque coffret quand un bruit la fit sursauter.