Chapitre 21 : Invitations inattendues - Partie 4 : juste un baiser. (nouvelle version)
Après le déjeuner, Céléna proposa à Hugh de participer à la visite de l’après-midi. Ils se rendirent à pied à la distillerie. La balade dans les allées du parc, sous le soleil de ce début de novembre, était des plus agréables. Céléna appréciait discuter avec Hugh. Tous les deux jouaient du piano et aimaient lire. Céléna lui avoua qu’elle écrivait des contes pour enfants dès qu’elle pouvait s’échapper de ses obligations.
Arrivés à la distillerie, Céléna prit les choses en main. La visite se passa sous les meilleurs auspices. Les touristes présents furent à leur tour charmés. L’oenologue maîtrisait son sujet. Hugh observait chacun de ces gestes, oubliant de se concentrer sur les arômes du whisky dégustés. La lumière tamisée de la pièce faisait briller les yeux de la jeune femme dans lesquels il se perdait. Pourtant des mots prononcés par Céléna revinrent à son esprit. Il était peut-être trop tôt pour elle d’envisager une nouvelle histoire.
Vers dix-sept heures trente, les derniers visiteurs quittèrent les lieux et ils se retrouvèrent en tête à tête.
– Céléna, je peux t’inviter à dîner ce soir ? proposa Hugh.
Elle le regarda droit dans les yeux, ce qui eut pour effet d’accélérer les battements de cœur de Hugh. Ses mains devinrent moites.
– Je suis désolée, s’excusa-t-elle, mais j’ai programmé un truc avec mon ami Sam.
– Peut-être demain alors ? essaya-t-il.
Embarrassée, Céléna déclina sa proposition. Elle devait embarquer à dix heures pour les Îles Lewis. Le visage du jeune homme se décomposa à chacun de ses refus.
– Attends je vais voir avec Sam, s’il ne voit pas d’inconvénient à ce que tu te joignes à nous, proposa-t-elle.
– Je ne voudrais pas m’imposer.
– Non, bien au contraire.
Hugh songea qu’il devrait s’en contenter. Il aurait tout loisir d’apprendre à la connaître différemment. Céléna saisit son portable pour envoyer un message à Sam. Sa réponse fut immédiate « OK bien sûr ».
Céléna raccompagna Hugh jusqu’à la chambre d’amis mise à sa disposition. Hugh découvrit la pièce et apprécia les couleurs chaudes qui tapissaient les murs. Le tableau accroché au-dessus du lit l’interpella. La lumière qui s’en dégageait le saisit.
– De qui est cette œuvre ? demanda-t-il, curieux.
– D’une amie de maman, une grande artiste Olivia Alistair. Peut-être te souviens-tu d’elle, elle était présente au gala à St Andrews. Son mari est le caddie d’un des jeunes hommes qui a terminé sur le podium, un certain Mike.
– Bien sûr, un sacré joueur, deux eagle dans une même journée, ce n’était jamais arrivé, il a marqué le tournoi de son empreinte, acquiesça Hugh.
– Maman a acheté cette œuvre parce qu’elle lui rappelait ses vacances d’adolescente sur l’île Lewis.
– Je la comprends, il est difficile de quitter cette toile des yeux comme mon regard sur toi, bafouilla Hugh.
Céléna ne releva pas, tout à coup à mille lieues de là.
– Tout va bien ? demanda-t-il, surpris.
– Oui pardon, tu disais ?
– Non rien, ça n’a pas d’importance, lâcha-t-il.
– Je te laisse te préparer, tenue décontractée, c’est une soirée informelle.
Céléna referma la porte, laissant Hugh dans ses pensées. Elle se dirigea dans sa chambre, s’assit à son bureau et griffonna sur son carnet. Les phrases étaient désordonnées. Les mots prononcés à haute voix tournaient en boucle comme un mantra : “penser à remercier Mike”. Elle se dirigea vers la salle de bain pour se préparer à son tour. Il était dix-huit heures trente, elle n'avait plus de temps à rêvasser. Pourtant, bel et bien songeuse, elle tentait de s’imaginer l’allure de son sauveur. L’eau coulait sur sa peau quand une odeur revint dans sa mémoire. Pourquoi les effluves de chèvrefeuille interpellaient ?
Elle rejoint Hugh dans le salon, en grande discussion avec son père. L’invité avait bel allure dans son pantalon en toile noir et son sweat bordeaux.
– Ma douce, tu es très belle, la complimenta Harold.
Hugh sourit pour valider. Que pourrait-il ajouter ? Elle n’était pas belle, elle était resplendissante. Un tas de pensées traversèrent son esprit. Mais à côté du père de la jeune femme, il les referma aussitôt.
– Hugh, si tu es prêt nous pouvons filer, suggéra Céléna, mes amis nous attendent.
Ils montèrent dans la voiture de Céléna, et prirent la direction du centre-ville. Le trajet fut l’occasion d’entonner les airs distillés par la radio. Hugh se concentrait sur le paysage pour ne pas donner l’impression de la dévisager. Céléna se gara sur le parking du centre-ville et proposa de terminer à pied. Ils déambulèrent dans les rues, maintenant une distance respectueuse. Aucune fille ne lui avait fait encore autant d’effet. Il rêvait de prendre sa main.
Arrivés devant le pub, Sam se pointa, un sourire aux lèvres
– Te voilà enfin, tu aimes nous faire languir.
Céléna déposa un baiser sur la joue de son ami pour se faire pardonner. En retour, il l’a pris dans ses bras sous le regard envieux d’Hugh.
– Pas besoin de vous présenter, vous vous connaissez.
– Allez entrer, Elisabeth et Peter nous attendent, précisa Sam.
Au cours du repas, chacun racontait son anecdote, faisant rire aux éclats les trois autres. Sam évita le sujet Martin mais ne résista pas à glisser dans la conversation le nom de Mike. Il insista sur le beau gosse qui l’était.
– Et toi, Hugh, tu as quelqu’un dans la vie ? demanda Peter pour changer de sujet.
Il se trouva décontenancé par la question et Céléna vint à sa rescousse en répondant :
– Peter, ça ne nous regarde pas.
– Non aucun souci, Céléna, ajouta Hugh, reprenant ses esprits, j'ai vécu avec une femme pendant trois ans, et du jour au lendemain, elle m’a planté sans explication si ce n’est un mot posé sur la table du salon.
À cette déclaration, la tablée resta sans voix. Elisabeth lança un regard noir à Peter. Hugh reprit la parole pour ne pas gâcher la soirée.
– Ne vous en faites pas, j’ai digéré depuis. Puis, je me dis que finalement c’est mieux ainsi.
Céléna posa son regard dans celui de son invité, comprenant son désarroi et avec douceur lui dit :
– Chacun de nous cherche son âme sœur pour partager un peu de bonheur. Rassure-toi, elle t’attend forcément. Sois patient quand tu t’y attendras le moins, elle croisera ta route.
Céléna ne percevait pas que les mots qu’elle venait d’utiliser, avaient brisé les espoirs que Hugh nourrissait. Mais avant qu’il ne dise quoi que ce soit, elle attrapa la main du jeune homme et se dirigea vers le karaoké. Avec Sam, ils adoraient ces soirées-là, composant un duo exceptionnel.
À peine eurent-ils quitté la table qu'Elisabeth demanda à Sam :
– Dis c’est moi, où il en pince pour Céléna ?
– Je crois bien, il ne la quitte pas des yeux et quand elle s’adresse à lui, il rougit.
– Tu penses que c’est réciproque ? insista Elisabeth.
– Après le week-end qu’elle a vécu, je n’en suis pas persuadé. En tout cas, tiens regarde.
Sam sortit son portable, tapa sur google pour retrouver une photo de Mike.
– Lui par contre je te garantis qu’il faut que leurs chemins se croisent, suggéra-t-il.
– Je comprends, mais elle ne l’a pas vu une seule fois ?
– Je ne pense pas, soupira Sam sinon elle m’en aurait forcément parlé.
– Pauvre Hugh, c’est perdu d’avance, soupira Peter.
La soirée se poursuivit, chacun voulant faire son duo avec Céléna. Il était minuit passé quand chacun s’en retourna à son domicile. Une fois arrivée, Hugh suivit Céléna. Ils montèrent les escaliers sur la pointe des pieds, leurs chaussures dans leurs mains. Ni l’un, ni l’autre ne voulaient réveiller la maisonnée. Sur le palier, chacun prit le couloir qui menait à leur chambre. Céléna saisit la poignée quand elle sentit une présence dans son dos. Elle se retourna. Hugh déposa un baiser sur la bouche de Céléna, surprise. Elle ne bougea pas. Avant d’aller plus loin, elle repoussa le jeune homme, plongea son regard dans le sien et avec la franchise qui la caractérisait, lui dit :
– Non je ne peux pas, pardon. J’espère que tu comprends …
Hugh se contenta de ces quelques mots, et s’en retourna en direction de sa chambre, le cœur lourd. Céléna ferma la porte, s’appuya sur le battant, se laissa glisser, la tête dans ses genoux. Elle éclata en sanglots, regrettant de l’avoir blessé. Puis, elle répéta à voix haute « pensez à remercier Mike ».
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