Dans le petit aéroport de Stornoway, Joseph attendait Céléna, tout aussi heureuse de le retrouver. La jeune femme se sentait en sécurité à ses côtés. Elle ne l’avait croisé qu’au cours d’un week-end, mais elle appréciait ce grand-père adoptif, empli de bienveillance et tendresse.

• Tu as fait un bon voyage ? demanda Joseph.
• Parfait.
• Bienvenu à Stornoway, ajouta-t-il en la prenant dans ses bras, je t’accompagne directement voir le Comte si tu le veux bien.
• Avec plaisir.

Céléna prit place à côté de Joseph. La voiture longeait le petit port avant de pénétrer dans l’enceinte du château. Sous le charme de la bâtisse dressée au bout de l’allée, l’oenologue entrait dans un lieu riche d’histoires. Elle avançait silencieuse, enveloppée par la quiétude des lieux. Dans la salle jouxtant le bureau du Comte, ils attendaient assis devant la baie vitrée.

• Harry, laisse-moi te présenter Céléna Mac Craig, annonça Joseph.
• Bonjour mademoiselle, Joseph m’a tant parlé de vous, ajouta le Comte, vous êtes telle que je me l’imaginais, une charmante jeune femme.

Céléna l’observait, il avait la prestance de son rang, et malgré la canne qui le guidait pour avancer, il était fier et digne.

• Monsieur, avant tout, recevez les bons vœux de mon père qui aurait été ravi d’être présent en ce jour, mais d’autres obligations professionnelles l’attendaient, précisa Céléna.
• Oui, j’ai eu vent de vos désagréments et de vos besoins d’un jardinier, répondit Harry avec compassion. Notre paysagiste est un jeune homme des plus talentueux, votre domaine est entre de bonnes mains.

Céléna le regardait sans trop comprendre. Joseph se tenait à ses côtés, du coup qui avait pris sa place ? songea-t-elle.

• Il fera tout son possible, ajouta Joseph.
• Je pensais, hésita Céléna.
• Que ce serait moi ? l'interrogea-t-il en souriant.
• Oui …
• Non, j’ai confié cette mission à …
• À son petit-fils, s’empressa d’ajouter Harry.

La réponse déstabilisa Céléna qui ne quittait pas des yeux les deux hommes.

• Joseph, avez-vous plusieurs petit-fils ? questionna Céléna.
• Hélas, non je n’ai pas eu cette chance, soupira-t-il.
• Mais j’avais cru comprendre qu’il était golfeur, insista-t-elle.
• On va dire qu’il a plusieurs cordes à son arc, répondit Joseph avec fierté.

Céléna songeuse à cette dernière remarque, repensa à son sauveur.

• Bon je vais vous laisser discuter, précisa Joseph et d’ajouter avant de s’éclipser, John doit m’attendre, je lui ai promis de lui donner un coup de main.

Céléna vint s'asseoir sur le fauteuil proche du Comte, dos au parc. Sur la console se trouvait une boisson chaude et un assortiment de petits gâteaux. Elle prit la peine de faire le service et tendit une tasse au Comte et commencèrent à discuter. Céléna l’interrogeait sur ces vœux pour le jour de l’inauguration. L’oenologue faisait des propositions de crus qui se prêteraient au mieux pour l’occasion.

• Si tu, je peux te tutoyer ? lui demanda Harry.
• Bien sûr, n’hésitez pas.
• Dans ce cas-là, j’en attends tout autant de toi.
• Tu peux compter sur moi.
• Je te propose de déguster tes échantillons au cours du repas de ce soir. Je pensais inviter Joseph et Olivia. Joseph m’a suggéré que tu nous initie à l’art de la dégustation dans lequel tu excelles.
• Avec plaisir.

Leur discussion se poursuivit pendant une heure, jusqu’au moment où une petite tête apparut dans l’embrasure de la porte avec un grand sourire.

• Allez, Grand-pa c’est l’heure, tu m’avais promis, s’impatientait-il.
• Encore un instant, jeune homme, je termine avec mon invité.

Harrold entra et se précipita s'asseoir sur les genoux de son grand-père.

• Céléna, nous finirons de voir les derniers détails ce soir. Si j’ai bien compris, tu repars dimanche, nous pourrons nous retrouver avant ton départ pour finaliser la commande, proposa Harry.
• Nous aurons tout le temps, le rassura-t-elle.
• Dis, elle peut venir avec nous ? demanda l’enfant, tu sais ça ne me dérange pas et puis elle est très jolie.
• Harrold, voyons, le gronda le Comte.
• Je ne voudrais pas vous déranger, ajouta Céléna en éclatant de rire.
• Bien sûr que non, s’empressa de répondre Harrold, je pourrais te montrer des lieux secrets.
• Tu m’intrigues.
• Est-ce que tu veux te joindre à nous pour notre sortie d’inspection ? suggéra Harry, tu auras ainsi un aperçu du talent de notre paysagiste.

Céléna n’en demandait pas autant, l’impatience se lisait à son tour dans ses yeux.

Harrold prit la main de son grand-père pour l’aider à se lever et Céléna offrit son bras. Harrold les devança, trouvant le pas d’Harry pas assez rapide à son goût. La petite troupe arrivait devant l’entrée dissimulée derrière des palissades, Céléna franchit le seuil et découvrit un parc féerique. Elle n’en croyait pas ses yeux, à chacun de ses pas, elle tombait sous le charme du lieu. Elle remonta l’allée des rosiers et arriva dans les petits jardins qui avaient tous un petit rien qui attiraient son regard. Joseph les avait rejoints pour accompagner Harry et l’aidait à déambuler dans le parc. Harrold attrapa la main de Céléna et ils commencèrent à courir en direction de l’aire de jeu qu’il ne quittait plus depuis qu’il avait été autorisé à l’utiliser. Céléna ne put s’empêcher de dévaler le toboggan derrière le petit garçon. Alors qu’ils traversaient le petit pont qui reliait les deux cabanes, ils entendirent un jeune homme qui les appelait.

• Harrold, Harry m’a demandé de te prévenir qu’il rentrait avec Joseph.
• OK John, dis, je peux rester encore un peu ? demanda l’enfant.
• Oui, le temps que je finisse mon travail.

À ce moment, Céléna fit son apparition, John l’observa.

• Tu dois être Céléna, demanda-t-il.
• Oui, enchantée.
• Joseph m’a demandé de te faire visiter les parties du parc que tu n’as pas encore vues.
• Oh ! Avec plaisir, Harrold, tu nous accompagnes ?
• Il peut rester ici, rassure-toi il ne risque rien, il connaît le lieu comme sa poche.
• Très bien, alors je te suis, accepta Céléna, ravie.

La star du lieu avait été plantée dans la semaine dans son écrin. Elle n’attendait plus que le début de l’hiver pour révéler ses roses à son tour. La scène sur laquelle elle était déposée, la mettait en valeur avec beaucoup de subtilité.

• John, est-ce que tu connais bien le paysagiste ? interrogea la jeune femme.
• Oh pour sûr, c’est mon ami. Pourquoi ? demanda-t-il en retour.
• Non, juste comme ça.

Arrivés au point d’eau, au bout d’une allée, encadrée de petits saules, Céléna s’arrêta pour observer la surface de l’eau recouverte de nénuphars. Au bord, un petit banc sur lequel ils vinrent s'asseoir. Une odeur vint chatouiller le nez de l’œnologue, des flashs remontèrent à la surface.

• Dis, c’est bien du chèvrefeuille ? demanda Céléna.
• Oui tout à fait. Une de ses plantes préférées.
• Ah ! soupira Céléna songeuse.
• Je peux t’inviter à manger ce soir ? proposa John.
• Cela aurait été avec plaisir, mais le Comte t’a devancé.
• Alors demain, avec des amis, nous allons nous balader sur une des plus belles plages de l’île, ça te tente.
• Je dois en parler à Joseph et Olivia qui m’accueillent. Mais pourquoi pas ? Vos îles m’ont toujours fasciné.
• Tiens mon numéro, si tu es ok, tu me confirmes. En principe nous partons vers dix heures.

John et Céléna, rejoints par Harrold repartirent en direction du château.