Chapitre 22 : chassé-croisé - Partie 9 : Céléna un signe du destin. (nouvelle version)
Olivia tapa à la porte de la chambre de Céléna, consciente que son invité était rentrée tard. La veille, l’une et l’autre avaient convenu de passer la journée ensemble avant que la jeune femme ne reprenne l’avion en fin d’après-midi. Quand Grandma l’aperçut, prête, elle eut le sentiment de remonter le temps en un claquement de doigts. En voyant cette jeune femme sortir de la chambre de sa fille Julia, une larme glissa sur sa joue.
– Tout va bien ? s’inquiéta Céléna.
– Oui, la rassura-t-elle, tu me fais tellement penser à ma fille.
– Je comprends, maman m’a parlé de ton histoire. Je suis vraiment désolée.
– Ne le soit pas, ajouta Olivia, j’ai gardé enfouis en moi les plus beaux souvenirs. Elle m’a offert tant de bonheur. Dans les yeux de mon petit-fils, je la vois un peu chaque jour et son reflet dans son regard panse mes cicatrices depuis tant d’années.
Céléna prit les mains d’Olivia et déposa un baiser sur sa joue. Les deux femmes rejoignirent Joseph. Derrière les fourneaux, il préparait son fameux petit-déjeuner pour les grandes occasions. Le chien posa son museau sur ses cuisses et apprécia les caresses distribuées.
– Alors les filles, dit Joseph une poèle dans les mains, une théière dans l’autre, quel est le programme ?
- J'emmène Céléna à la galerie, précisa Olivia, puis nous ferons un petit tour en ville, te rejoindrons pour le déjeuner au Golf.
– Parfait, vous n’avez donc pas besoin de moi ? se satisfaisait Joseph.
– Après, tu peux te joindre à nous si tu le souhaites, suggéra Céléna.
– Cela aurait été avec plaisir mais Arthur m'attend, nous avons une partie en cours.
– Une partie ? l’interrogea-t-elle, curieuse.
– D’échecs.
– Bien, je ne voudrais pas vous priver d’un tel moment.
Le déjeuner avalé, Olivia attrapa son manteau et Céléna sa veste. Elles partirent à pied pour profiter du soleil et remontèrent toute la rue agrémentée d’un côté d’arbres bordant le canal et de l’autre d’une rangée de petites maisons toutes bien alignées les unes à côté des autres. Olivia offrait un sourire à toutes les personnes qu'elle croisait et la saluait. Après un bon quart d’heure, elles passèrent devant la boutique d’Emy. Céléna s’arrêta pour regarder à travers la vitrine. Les bijoux exposés étaient tous plus charmants les uns que les autres. Sur un écrin en forme de rose, elle admirait le camée au ton bleu.
– Emy a beaucoup de goût et de talent. Que d’objets plein de finesse, s’émerveilla Céléna.
La jeune femme jouait avec le bracelet offert par Olivia, il avait les mêmes tonalités que le bijou dans la devanture. Grand-Ma l’observait et ajouta :
– Si tu le souhaites, je peux lui demander de te le réserver.
Céléna apprécia l’attention. Tout était calme ce matin, seule l’animation au loin du marché était un doux ronron à leurs oreilles. Arrivée devant la galerie, Olivia proposa à Céléna de faire la visite en solo, de son côté elle devait discuter avec le directeur. Céléna admirait les œuvres accrochées dans les deux premières pièces. À cette heure matinale, peu de touristes se bousculaient. Quand elle atteignit la grande salle et s'imprégna de l’ambiance des lieux. Les tableaux, suspendus au mur, avaient une place de choix. Un canapé rond reposait au centre de la pièce et permettait d’ observer à trois cent soixante degrés.
Assise, elle scrutait le tableau accroché au nord. La toile représentait un lever de soleil sur l’océan, un goéland planait, un instant il sembla voler dans sa direction. Puis, son attention se dirigea vers le coin du cadre, où l’on pouvait voir deux silhouettes de dos qui se tenaient par la main. Elle songea à sa lettre écrite sur la plage de St Andrews. Elle ne l’avait pas retrouvée après le passage de Martin dans la cave. Elle avait l’impression de voir ses parents qui se baladaient sur le sable et elle sourit. Olivia avait une façon si particulière de saisir la magie de l’instant. Les deux autres œuvres, bien plus modernes, ne captèrent pas autant son attention, moins sensible à une cette forme d’expression. Elle les balaya rapidement du regard pour passer à la suivante. Et là, elle resta scotchée ne pouvant quitter le tableau des yeux, hypnotisée.
Olivia était l’artiste de cette œuvre. Pourquoi avait-elle le sentiment que ce dessin l’avalait ? Elle avait l’impression de voler un moment éphémère où elle n’était pas invitée. D’un autre côté, tout semblait si réel. Un frisson parcourut ses bras
Avant de franchir le palier qui l’emmenait au sous-sol, elle se retourna, revint sur ses pas et se colla à la peinture. Elle admira en premier les « Blacks Houses », ce lieu qui l’avait submergé d’émotions fortes. Puis, l’image d’Ophélie revenait et au loin une lettre s’envolait au-dessus de l’océan. Un détail infime apparu, les initiales CMG servaient de lien entre le papier et la main de cette silhouette de dos.
Céléna effleurait du bout des doigts le contour de cet homme quand une voix l’interpella.
– Mademoiselle, excusez-moi, mais vous ne pouvez pas toucher le tableau.
– Oh, pardonnez-moi, s’excusa-t-elle aussitôt, je ne voulais pas. C’était plus fort que moi.
– Je vous comprends, ajouta le directeur, Olivia fait souvent cet effet avec ses œuvres. Les tableaux semblent si réels, les visiteurs sont tellement bluffés, qu’ils sont tentés de faire comme vous.
– Puis-je vous demander de quand date ce tableau ? interrogea Céléna.
– Un mois à peine.
Olivia arriva à son tour et ajouta :
– Nous sommes allées nous promener avec ma sœur, et au cours de cette sortie, une fillette s’était perdue, et de fil en aiguille elle a confié une lettre à mon petit-fils.
Céléna ne savait pas quoi penser et pourtant sans hésiter elle demanda :
– Ophélie, c’était bien son prénom ?
– Oui tout à fait, mais comment le sais-tu ?
– Et cette lettre, elle est où maintenant ? insista Céléna.
– Chez moi, répondit Olivia de plus en plus intriguée.
– Pourrais-je la voir ?
– Bien sûr, Mike me l’a confiée parce qu’il ne voulait pas la perdre avant de la reposer là où il l’avait trouvée.
Céléna était heureuse de savoir qu’Ophélie était revenue chercher la lettre comme elle le lui avait conseillé quatre ans auparavant. Olivia raconta dans les moindres détails cet après midi là. Céléna l’écoutait avec attention. Son cœur se fit léger en apprenant que la fillette avait trouvé une famille d’adoption qui lui donnerait autant d’amour qu’elle en avait reçu jusque-là. Céléna se retourna une dernière fois pour observer le tableau avant de quitter la galerie tout en se demandant si le petit-fils d’Olivia avait lu la lettre.
Après un court passage par le marché pour acheter des fleurs pour amener à l’hôtesse, Olivia et Céléna se présentèrent au restaurant du golf. Ce dimanche midi, il y avait peu d’affluence. Seul un couple de retraités était installé près de la baie vitrée qui donnait sur le terrain de jeu. Henriett vint à leur rencontre avec un grand sourire, trop heureuse de voir son amie.
Elle leur proposa de s’installer près de la cheminée, où Joseph et John l'attendaient en grande conversation. Arthur rejoignit la tablée et posa des tas de questions à Céléna, désireux de signer un partenariat avec la distillerie. La bouteille offerte par son neveu était rangée dans un coin secret et il déclara ne sortir ce nectar que pour les grandes occasions.
**
Une fois dans la chambre, Céléna ramassa ses affaires éparpillés de droite à gauche et les jeta dans sa valise. Elle n’appréciait pas ce moment où il fallait en un instant tout quitter. Songeuse, elle voyait encore et encore cette silhouette. Olivia apparut dans l’embrasure de la porte.
– J’espère que je ne te dérange pas, je t’ai amené la lettre, annonça Olivia en tendant l’enveloppe.
Dès que Céléna l’aperçut, elle reconnut son écriture. Machinalement, elle la colla sur son cœur. Olivia l’observait avec la tendresse d’une mère.
– Elle est magnifique ta lettre Céléna, murmura Olivia, je pense que tu devrais l’offrir à ta maman.
Céléna resta silencieuse.
– Tu as raison, répondit-elle avec une émotion perceptible dans la voix, je vais la garder et la confierai une fois arrivée à la maison.
– Mon petit fils l’a lue et m’a demandé d’en faire autant, ajouta Olivia avec douceur, tes mots, à leur façon, ont apporté un peu de réconfort à Mike. Vos enfances, vos destins n’ont pas été faciles et pourtant avec tout l’amour que vous avez en vous, vous embellissez nos vies.
Céléna se blottit dans les bras d’Olivia et ne put contenir ses larmes. Aussitôt Grandma la serra fort contre elle. Sans en rendre compte, elles venaient de tisser un lien indéfectible.
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