Léa et Lucinda agitaient leurs bras dans tous les sens. Comment Céléna n’aurait-elle pas pu les voir ? Elle avança dans leur direction, un grand sourire collé aux lèvres, leur joie communicative se diffusait dans le hall d’accueil. Léa vêtue d’une robe rose bonbon ne passait pas inaperçue, le tout agrémenté d’un sombrero qu’elle secouait au-dessus de sa tête. Lucinda était toute aussi fofolle dans son short ultra court et son haut avec un décolleté insolent.

Ses cousines valaient le détour. Dès que Céléna arriva à leur hauteur, elles se jetèrent dans ses bras, distribuant des bisous à qui mieux mieux. Cette effusion de doux sentiments faisait sourire les passagers qui récupéraient leur bagage. Une fois la valise captée au vol, les trois jeunes femmes se dirigèrent vers la sortie quand Léa eut une envie pressante. Elle disparut en un claquement de doigts laissant les deux autres plantées devant les portes automatiques qui s’ouvraient et se fermaient inlassablement.

À peine cinq minutes plus tard, la fraise tagada surnommée ainsi par sa sœur, apparue avec les joues cramoisies.

– Toi, tu as croisé un beau gosse, lança Lucinda en éclatant de rire.

– Comment tu le sais ? s’étonna Léa.

– Tes yeux pétillent et tu n’es pas saoule ?

– Je ne te permets pas, s’offusqua Léa.

– Minaude pas et raconte, insista la grande sœur.

Céléna observait avec tendresse cet échange qui pourrait être agaçant si on ne les connaissait pas. Elle appréciait ses cousines et leur naturel en toute occasion. Les deux croquaient la vie à pleine dents, et les hommes se bousculaient à leur porte. Selon, elles, « pas de jeunesse sans plaisir. Et si ce n’était pas maintenant ce sera quand alors ? »

– Bon les filles, méga plan pour demain après-midi, ajouta Léa, pétillante.

– Tout n’est pas calé ? demanda Céléna, curieuse.

– Oh, juste un petit bonus.

– Allez pour l’instant, la plage nous attend, avant un petit arrêt à l’appartement, précisa Lucinda.

Bras dessus bras dessous, les trois jeunes femmes montèrent dans le taxi et filèrent en direction de River Place boulevard. Une fois devant l’immeuble, Céléna resta scotchée. La tour dressée à ses pieds donnait le vertige. Habituée aux grands espaces sauvages, l’Écossaise se trouvait entourée de béton. Elle contempla l'édifice avec une légère angoisse. Comment pouvait-on se satisfaire de ce genre de paysage ? Même si on avait pris la peine d’agrémenter les espaces verts avec des palmiers et des fleurs tropicales multicolores, la nature avait perdu ses droits. L'impression d’étouffer l’envahit, une seule envie prendre ses jambes à son cou. Devant son malaise, Lucinda l’attrapa par les épaules et lui murmura :

– Attends d’être sur la terrasse et tu verras les choses différemment. Il nous a fallu un peu de temps nous aussi pour nous habituer à la ville et pourtant hors de question de repartir. Si jamais te prend l'envie de rester, il y a une chambre qui t’attend.

Céléna la regarda surprise et déclina l’invitation d’un mouvement de tête. Léa poussa sa cousine sans ménagement à l’intérieur de l’ascenseur. Elle la connaissait par cœur et avait bien conscience que cette vie ne lui correspondait pas. Elle tiendrait bien une semaine. Le planning, établi par leurs soins, ferait rapidement oublier les angoisses envahissantes. L'appartement terrasse, spacieux et sobre, se trouvait au dix-huitième étage. De part et d’autre, accrochées au mur des reproductions de l'Écosse rendaient les lieux charmants et rassurants et sur la fausse cheminée en marbre, un pêle-mêle de photos retraçant leurs différents voyages.

Les valises déposées dans la chambre au standing d'un palace, l’invité retrouvait ses cousines à l’extérieur. De la terrasse, la vision du fleuve St John's qui serpentait autour du quartier de buildings était agréable. Le panorama donnait vie au lieu. Les sofas et les tables basses en dessinaient parfaitement les contours, idéaux pour les After. Lucinda offrit à Céléna, un cocktail de fruits frais où trônait un parasol en papier kitch à souhait.

Après les bavardages et les suggestions sur la tenue appropriée qu'elle se devait de porter pour aller déambuler sur la plage, les filles reprirent le taxi. Le beau brun, peau mate, style surfeur à ses heures perdues, tenait le volant et s'impatientait. Le chauffeur n'était autre que celui qui les avait déposées une heure avant.

- C'est bon mon chou, minauda Lucinda, on peut y aller, je monte devant.

Céléna n'en croyait pas ses yeux. Le culot de sa cousine la mettait mal à l'aise. Mais le baiser donna une réponse à la hauteur de ses inquiétudes.

- Allez sois pas si coincée, je te présente Elton mon homme.

- La course est pour moi, ajouta-t-il une fois ses lèvres détachées de sa tendre.

Le jeune homme, une main sur le volant, et l'autre sur la cuisse de sa copilote, se faufilait avec maîtrise dans les rues de la ville. Il esquivait avec maestro les files d'attente et n'hésitait pas à prendre des raccourcis. Cette course folle dans le dédale de la mégapole rendait le trajet des plus sportifs. Elton les déposa, précisant qu’il les rejoindrait dans la soirée.

Face à l'océan, Céléna imaginait l'arrivée de ses ancêtres sur ces terres venant chercher un nouvel élan de liberté. En foulant le sable, ses pensées s'envolèrent. Si c'était le rêve américain ? Pas le temps de songer plus longtemps que Léa et Lucinda la poussèrent dans l'eau sans ménagement. Surprise, elle laissa échapper un petit cri accompagné de grands jets d'eau pour leur rendre la pareille. Aux côtés de ses cousines, elle devenait une gamine, rien de mieux pour commencer cette semaine en Floride.