Chapitre 23 : Et si … - Partie 7 : … on se rencontrait … sur un banc... (nouvelle version)
Céléna errait dans le jardin et appréciait le silence. Dès qu’elle eut franchi le portail, le temps sembla s’être arrêté. La quiétude de cette bulle naturelle l’apaisa. La jeune femme déambulait d'allée en allée, posant ses pieds sur les pas japonais disposés en marelle. Elle n’avait pas eu une journée aussi dépaysante depuis si longtemps. Le chemin, encadré de deux bassins, offrait un joli point de vue sur la rivière. Le contraste de couleurs renforçait son sentiment de bien-être. Le vent jouait avec les mèches qui fuyaient sa tresse. Cette brise s'accompagnait de multiples senteurs. Elle ferma les yeux pour leur donner vie en les nommant. Ne penser à rien, se laisser porter, se poser juste un instant, juste pour soi. Elle s’assit sur la margelle, glissa ses doigts dans l'eau et créa de petits cercles dans lesquels le soleil se reflétait. Un plaisir absolu l’envahit, enivrée par de subtiles odeurs de miel.
Mike ne put résister. Il se laissa guider par l’envie d’aller se perdre dans les allées du jardin. Les ifs dessinaient des arcades, taillées au cordeau. Elles avaient un charme fou. Le jeune homme admirait le tableau se dévoiler sous ses yeux et sortit son portable pour immortaliser la scène. À peine eut-il pris le cliché qu’il l'envoya à Olivia qui aurait tôt fait de se l’approprier pour en peindre une belle œuvre. Le téléphone rangé dans sa poche, il reçut une notification de Grandma « magnifique, peux-tu m'en faire une ou deux de plus ? Il me faudrait quelques personnes pour rendre le tableau plus vivant ». Mike scruta les alentours et ne perçut que des oiseaux. Après un quart de tour, une silhouette apparut au loin proche de la fontaine. Le soleil l’aveugla le temps de prendre la photo. Quand ses yeux s’habituèrent à la luminosité, le lieu était désertique. Il regarda l’écran de son portable et découvrit une femme de dos jouant avec l’eau. Il cliqua sur envoyer.
Céléna, au cours de sa balade, admirait les différentes œuvres d’art parsemées autour du musée. Le bronze d’une femme chasseresse rappelait les exploits de Léa, hier soir. Elle s’assit dans l’herbe, saisit son carnet et ne put résister à l’envie d’écrire quelques mots pour décrire ce qu’elle ressentait :
Que de douces lumières
S'élèvent devant moi
Elles sont telles des prières
Que l’on s’offre parfois
Ornées de pierre et de lierre
Mon regard se perd à l’horizon
Je me sens si légère
Tout art est éphémère
Vibrant à l’unisson …
Elle posa son stylo et contempla la nature. Le lieu déserté à cette heure formait un bel espace de liberté. Tout était beau mais n’égalait en rien le parc qu'elle avait découvert à Stornoway. Elle se leva pour rejoindre le musée quand une odeur de chèvrefeuille tapissa son nez. Elle regarda autour d’elle et finit par découvrir que l’esprit pouvait jouer des tours. La plante recouvrait la haie.
Mike pressa le pas pour profiter du lieu et ne pas se trouver bousculé par les heures qui filaient. De grandes statues de métal avaient été déposées sans vraiment se soucier de l'ambiance du lieu. Il n’aimait pas ses géants qui bouffaient trop de place et desservait la nature qui ne pouvait pas prendre possession de ses corps métalliques. Ces œuvres le choquaient plus qu’elles suscitèrent son intérêt. Il préféra étudier le chèvrefeuille qui courait sur le mur de l’entrée du musée. Il s’approcha et constata avec effroi que le jardinier avait oublié d’enlever l’araignée qui se nourrissait de son feuillage, le fragilisant. Ses doigts caressèrent les feuilles qui à son contact s'écrasèrent à ses pieds. Il appréciait l’odeur subtile de cette fragrance, ce parfum léger dont il avait fait son parfum. Il retourna sur ses pas, se souvenant avoir croisé l’homme chargé de cet espace, accroupi vers les bassins.
Céléna pénétrait dans le hall du musée après avoir écouté les conseils de l'hôtesse. L'ambiance de la salle principale rappelait celle de la distillerie. La pièce plongée dans la pénombre ne faisait aucune ombre aux tableaux. Le halo de lumière diffusait des couleurs chaudes, valorisant l'œuvre. Le conservateur du musée avait trouvé comment attirer le regard sur l’essentiel. Tout était mis en scène pour qu'on ne puisse pas quitter des yeux les pièces maîtresses. Assise sur le banc central, elle admirait la toile face à elle. Elle s'appuya sur le dossier en velours rouge et à nouveau le parfum l'enveloppa.
Mike commença par l'exposition florale de Rebecca Louise Law. Les consignes étaient simples: no selfies, no portable. Le jeune paysagiste rêvait de s'immerger dans son monde. Il s'empara de la torche et de la fourche fournies pour l'occasion. Le musée ne souhaitait pas voir les visiteurs empêtrés dans les fleurs délicatement suspendues. L'artiste souhaitait que le promeneur découvre les végétaux qu’elle avait mis tant d'années à collectionner. Mike voulait vivre l'expérience, sans éléments parasites interrompant un lien avec l'œuvre. La rareté de cet instant le remplit de bonheur. Cette exposition temporaire méritait d'être vécue pleinement. Il observa les moindres détails, le temps devenait irréel. Il traversa le dernier rideau et entra dans la salle principale du musée et s'assit sur le banc.
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