Marionettes
Si le commun ne possède aucun souvenir de sa naissance, ce n’est pas mon cas. Je me rappelle parfaitement la première fois où j’ai vu la lumière. Les cris, les applaudissements, les étoiles dans les regards. Puis les applaudissements. Encore. Avant de m’endormir un temps. Être porté. Encore et encore. Par ses même bras rassurants. Caressé par ses mains d’une douceur infinie.
Puis le temps a passé. Les bras se sont faits plus rares. Les mains moins présentes. La lumière a peu à peu laissé s’installer l’obscurité. Je ne sors plus que le weekend. Une ou deux fois c’est tout. Et quand l’hiver arrive, alors je disparais encore un temps. Jusqu’au retour du printemps. Je retrouve les cris, les rires, la joie. Je me délecte de la sensation du vent venu frapper mon visage, je profite de chaque parcelle de peau léchée par les rayons d’un soleil tant attendu.
Et, soudain, c’est arrivé. On m’a sorti de mon placard. On a tranché mes fils. Mes jambes aussi. Elles n’étaient plus utiles. On m’a vidé. On a plongé un bras en moi. Je n’ai pas dit un mot. J’étais pétrifié. On m’a secoué. On m’a fait prendre des voix jamais entendues encore. Puis on m’a jeté dans une malle. Pour me ressortir. Encore et encore. Les rires sont toujours là. Les applaudissements n’ont pas cessé. Les étoiles continuent de briller. J’ai accepté mon sort. J’ai compris que je n’existais qu’aux yeux du monde, que seul je n’étais rien. Rien d’autre qu’une marionnette inerte, attendant de pouvoir se produire à nouveau. De nouveau le rideau se ferme. Les bruits deviennent sourds. Je retrouve l’obscurité. L’indifférence.
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