Orage

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Ce texte sera différent des précédents. C’est la raison pour laquelle je ne le publie pas dans le recueil « writober » que j’ai entamé, avec un peu de retard, le 6 octobre dernier.

Lorsque je lis ce mot, « orage », je n’ai rien d’autre en tête qu’un lieu plongé dans l’obscurité la plus totale, uniquement éclairé par les traits de feu venus frapper le sol depuis le ciel, laissant apparaitre furtivement les goutes dont seul le bruit permet d’affirmer qu’il pleut. Une bien longue phrase pour peu de choses. Des éclairs dans le noir et le bruit des gouttes. Plus rapide.

En revanche, pour une raison que je ne m’explique pas vraiment, c’est une musique qui vient se glisser à la porte de mes pensées. Un morceau d’un groupe que je n’ai pas particulièrement écouté. Enfin, un groupe. Un collectif plutôt. D’artistes que je n’écoutais pourtant pas non plus à l’époque. Un titre de 5 Majeur égaré sur une mixtape qui s’était elle-même perdue sur mon disque dur. Une succession de coïncidences. Le tout ayant conduit à l’écoute de Jour de pluie, dont la première phase – et non ce n’est pas une faute de frappe, je parle bien de phase et non de phrase car c’est de rap français que je m’apprête à parler – avait résonnée à l’époque :

Encore une journée penché sur le cahier à gratter des phases bêtement

C’était exactement ce que je faisais. Gratter du papier. Bêtement. Sans direction, sans motif, sans idée. Sans idée de ce que j’allais bien pouvoir faire de mes textes pour commencer. Puis sans idée tout court. Compliqué de trouver l’inspiration lorsque votre vie se résume à un travail à mi-temps, un retour en début d’après midi à l’appartement loué en collocation, des verres de rhums et des joints de shit ou d’herbe. Pas grand-chose à raconter, n’est-ce pas ?

On est entre l’envie de se laisser vivre et celle de se bouger, tous les yeux rouges et t’façon rien à foutre je retourne me coucher

Résonnance, à nouveau. On se sent un peu proche de ceux qui chantent lorsque l’on a le sentiment de partager leur quotidien, leur manière de vivre ou de voir les choses. Puis arrivait le refrain :

Il pleut des cordes, j’ai envie de me pendre (tout est gris)

Triste décors je me sens vide de sens, l’ennui me hante

T’imagines si t’habites dehors (écoute les cris !)

Les gouttes de pluie étouffent les bruits et toute cette ville de mort

L’absence de sens. Une angoisse forte qui me poursuivait depuis toujours. Rien d’exceptionnel encore une fois n’est-ce pas ?

Je ne sais définitivement pas pourquoi c’est ce titre qui me revient. Plus j’avance sur l’écriture de ce texte, plus je m’interroge. Alors j’ai écouté la mixtape dans sa totalité. L’orage n’est pas seulement synonyme de pluie. Il est avant tout une perturbation atmosphérique, accompagnée de la foudre et du tonnerre. Une perturbation. C’est ce qu’a toujours été le rap français pour moi. Depuis ma première écoute. Depuis 1998. Depuis la découverte de l’album Suprême NTM du groupe éponyme. Quelque chose de puissant, violent, venu remuer des forces nouvelles à l’intérieur de moi. Des basses qui font vibrer l’air, des kicks et des snares qui fracassent les murs, une pluie de mots contre laquelle on ne peut rien. Voilà ce qu’était cette musique pour moi. Ce qu’elle est toujours. Car je ne suis pas de ceux qui regardent par-dessus leur épaule avec regret, affirmant sottement que « le rap c’était mieux avant ». C’était différent. Pas mieux. Ni moins bien. Seulement différent. Comme chaque orage finalement.

Je ne toucherai probablement pas grand monde avec ce texte mais peu importe. Et si d’aventure vous êtes un peu curieux, c’est avec plaisir que je suis disposé à partager 25 années d’écoute active d’une musique trop peu considérée.

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