Lac miroir

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 Assise à l’arrière de la Jeep qui les conduisait à travers les chemins rocailleux d’Uyuni, Alice fixait le ciel, songeuse. Elle ne savait toujours pas pourquoi elle avait accepté ce voyage. Ou plutôt, elle s’en voulait de l’avoir accepté. Cela allait à l’encontre de tous ses principes. Un mois maintenant qu’elle préparait sa rupture. Un mois de gêne, de mensonge, de théâtre. Elle ne voulait pas lui faire de peine. C’étai inévitable pourtant. Sa joie de vivre, son enthousiasme, ses attentions lorsqu’elle rentrait du travail et qu’il prenait soin d’elle étaient autant de choses qu’elle allait inévitablement briser. Elle le savait.

 Alors quand Mathieu est arrivé, le matin même où elle avait pris la décision de lui annoncer leur séparation, avec à la main des billets pour la Colombie et aux lèvres l’injonction de préparer sa valise, Alice n’avait pas été capable de dire la vérité. Pire, elle avait été emballée à l’idée de découvrir l’Amérique Latine. Ce n’était qu’une fois dans le taxi, en route pour l’aéroport, que son manque de courage lui était revenu comme un boomerang, provoquant des maux de ventre dont elle se serait bien passée.

 Il venait d’arriver. La plaine saline d’Uyuni s’étendait à perte de vue. L’eau des lacs environnants était venue recouvrir le désert de sel d’une fine pellicule y reflétant le ciel. C’était magnifique.

 Alice sauta de la Jeep pour se précipiter loin de ses compagnons de route. Mathieu, absorbé par la beauté des lieux, ignora cette course qui ressemblait assurément à une fuite. Alice voulait être seule. Les regrets qu’elle éprouvait jusque là avaient disparus. La culpabilité de profiter d’un homme dont elle ne partageait plus les sentiments, dans le but de découvrir une région du monde encore inconnue, s’était également évaporée.

 Ce voyage était nécessaire. Il allait devenir le point culminant de ses réflexions. Elle en était persuadée. Après un temps d’hésitation, Alice s’assit au milieu de l’étendue saline. Elle aurait souhaité fermer les yeux, se laisser toute entière absorbée par ce lieu exceptionnel, ne faire qu’un avec le sol, tout comme le ciel. Mais elle ne pouvait détourner son regard. Tout se confondait en une seule et même chose, donnant pour un temps l’illusion de faire disparaitre les lois physiques. Elle se trouvait autant sur le sol que dans le ciel. Elle était partout et nulle part. Était-elle seulement ?

 Alice se leva, fit quelques pas en direction de Mathieu, avant d’accélérer le pas. Arrivée à sa hauteur, elle le prit contre elle, dans ce qu’elle savait être une dernière étreinte. Elle se sentait libérée. Ses bras ne pesaient aucun poids. Puis, elle lui chuchota quelques mots à l’oreille, avant de lui tourner le dos et de disparaitre à l’horizon.

 Une larme coulait le long de la joue d’Alice. Une larme de joie. Une larme qui allait bientôt appartenir à l’immensité saline qui l’avait faite naitre, comme Alice appartenait au Monde. À la Terre comme au ciel. À elle-même.

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