Prologue (1/2)

4 minutes de lecture

10 février 2018

Clermont-Ferrand

 Le vent soufflait fort, ce jour-là, soulevant un jupon, par-ci, par-là. Au plus grand plaisir de tous ces jeunes hommes qui profitaient de ce spectacle offert par les éléments. Ils se réjouissaient des rares moments où ils pouvaient apercevoir un bout de dentelle, d’une couleur qui les faisait rougir d’envie. Ils enregistraient toutes ces fesses bombées et enveloppées dans des tissus aguicheurs dans leur mémoire, les gardant bien au chaud jusqu’au moment du coucher.

 Au milieu de toute cette foule de pervers narcissique en manque de compagnie féminine, se baladait une jeune femme aux formes généreuses et attrayantes. Sa longue chevelure rousse voguait au gré du vent, allant de droite à gauche, et de gauche à droite, frôlant les peaux des inconnus qu’elle croisait. Ceux-ci se retournaient sur elle sans la lâcher du regard, semblable à de gros chiens postés devant un bout de viande fraîchement cuit. Elle imaginait leurs regards fixés sur son fessier rebondi, satisfaite de l’effet qu’elle faisait aux personnes qui l’entouraient.

 Ses yeux, d’un vert émeraude, éclatant et profond, jonglaient de têtes en têtes et de corps en corps, inspectant tous ces êtres qui formaient cette ville. Tous similaires et uniques en leur genre. Tous assoiffés de sexe et d’argent. C’était comme ça que le monde marchait aujourd'hui. Plus les bourses et les attributs étaient gros, plus le propriétaire imposait le respect.

Pourtant, j’ai des gros seins et un gros cul, et c’est pas pour autant que ce macho pleins de testostérone me laisserait sa place, connard, pensa-t-elle en entrant dans un wagon du tramway.

 Tout en lançant un regard assassin au jeune homme, qui ne semblait pas l'avoir remarqué, bien trop occupé à regarder les lueurs de son téléphone, elle s'agrippa à la rembarre et attendit patiemment que le wagon arrive à destination.

 Elle se saisit de son téléphone et consulta les quelques notifications qui s'affichaient sur l'écran. Parmi tous les mails publicitaires qui l’incitaient à acheter le tout dernier téléphone à la mode, se trouvait un message provenant de sa mère. Elle lui souhaitait bon courage pour sa journée de travail, ce qui la fit sourire. Elle zyeuta tout de même les autres notifications et tomba nez à nez avec une publicité pour de la voyance :

Laissez-vous bercer par le destin, votre vie est déjà toute tracée par les cieux.

 Amandine pouffa intérieurement et souffla du nez. Bien sûr, elle ne croyait pas du tout en toutes ces histoires de voyance et de destin. Comme si quelqu'un était là, à regarder sa vie et qu'il tirait les ficelles de son existence. Non, le destin n'existait pas et rien n'était prévu à l'avance. Elle rangea son téléphone dans son sac à main et contempla le paysage qui défilait sous ses yeux.

 L’usine de pneu Michelin, qui faisait la renommée de la ville, emplissait le ciel de nombreux nuages grisâtres. Elle avait quitté la campagne natale pour cette ville, où la pollution était présente dans tous les coins de rue, dans laquelle elle vivait depuis maintenant deux ans dans cette ville.

 Après une bonne dizaine de tentatives qui n’avaient pas abouti, elle avait enfin trouvé un emploi dans une supérette aux alentours de la ville. À première vue, la façade de l’échoppe de payait pas de mine : une feuille A4 où le propriétaire avait écrit à la main ouvert et fermé — dans une écriture bien plus appuyée — prônait sur la vitrine. Malgré cette apparence peu flatteuse, Amandine avait accepté de travailler ici et y venait tous les samedis.

 Aujourd'hui était un samedi différent des autres. Elle s'y rendait avec un pincement au cœur. Malheureusement, la situation de l'échoppe n'allait pas en s'arrangeant et les propriétaires avaient pris la décision de ne pas la garder. Payer une personne qui venait travailler seulement en fin de semaine créait un gros trou dans les chiffres. C'était donc son dernier jour en temps que caissière.

 Un son cristallin vint titiller les oreilles de la jeune femme, la sortant brusquement de ses réflexions. Une voix féminine sortait des hauts-parleurs, annonçant aux passagers le noms du prochain arrêt : La Pardieu, le point final de son trajet.

 Amandine attendait calmement que le wagon s’arrête alors qu’une foule de travailleurs, d’étudiants et de jeunes pré-pubères s'entassait devant les portes. Comme si être le premier à sortir du véhicule allait rendre la journée plus palpitante. Elle haussait les épaules en levant les yeux au ciel. Souvent, elle se demandait ce qu’elle faisait ici, sur terre, perdue au milieu de tous ces esprits dénués de neurones.

 La supérette ne se trouvait pas bien loin de l’arrêt de tramway. Elle marchait tranquillement en observant le monde et les gens qui le composaient. Les douces notes de Two Ghosts, interprété par un fameux chanteur anglophone, se faufilaient dans ses oreilles, passant par sa colonne vertébrale pour finir tout droit dans son cœur. C’était son moyen de décompresser avant d’entamer une journée de travail.

 Après quelques minutes, elle arriva enfin et se dirigea directement vers les vestiaires. Elle éprouva une certaine satisfaction lorsqu’elle se rendit compte que ce serait la dernière fois qu’elle mettrait les pieds dans ce trou miteux et très peu lumineux. C’était une vraie course contre la montre à chaque fois.

 Pour une fois, pour la dernière fois, elle prit le temps de se préparer. Elle revêtit son veston aux couleurs rougeoyantes, époussetant de ses mains le tissu avec un petit pincement au cœur.

 — Surprenant, dit une voix derrière elle, j’étais habituée à te voir toute folle là-dedans. Je suis presque déçue.

 Cette intrusion la fit sursauter et elle se retourna en positionnant les poings devant son visage, comme on lui avait lors de ses cours de self défense. Prête à attaquer l'assaillant. Sous les quelques lueurs qui arrivaient jusque dans les vestiaires, une silhouette imposante et familière se dessinait. Elle fut rapidement rassurée lorsqu’elle se rendit compte de qui il s’agissait.

 — Bordel, Em’, combien de fois je vais devoir te dire de ne pas me surprendre ici.

 — Désolée, répondit Émy en étouffant un rire. Je ne me lasserai jamais de voir ta tête dans ces moments-là, c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour me donner du courage.

 — Super les copines, elle trouve leur force dans ta peur. Bien heureusement, c'est la dernière fois que tu pourras être sadique avec moi.

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