Prologue (2/2)

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 Les deux amies rirent de bon cœur, se câlinant comme elles en avaient l’habitude avant d’embaucher. Une certaine émotion s’empara des deux femmes, celles-ci se serraient plus fortement que d'habitude, l’une contre l’autre, consciente que ce serait la dernière fois où elles pourraient le faire.

 Elles avaient toutes les deux été recrutées en même temps et avaient grandi dans l’entreprise ensemble. Après toutes ces journées passées ensemble, c’était un vrai déchirement que de séparer ces deux âmes qui étaient toujours collées l’une à l’autre. Ce fut Amandine qui mit fin à l’étreinte en essuyant une larme qui s’était coincée au coin de son œil, elle détourna le regard et se dirigea vers la réserve, suivit de près par son acolyte.

 — Alors, commença Émy avec la tremblotante, prête à affronter cette dernière journée ?

 — Arrête !

 — Arrêter quoi ?

 — De prendre cette voix-là ! D’accord, c’est mon dernier jour, mais ça ne veut pas dire qu’on ne se reverra jamais, tu es toujours là, dans mon cœur !

 — Que tu es mignonne, répliqua Émy en lui faisant un clin d’œil. Et sinon, tu as quelque chose de prévu pour la Saint-Valentin ? C’est dans quatre jours !

 Amandine soupira avant de se saisir d’un carton remplis d’outils de jardin. Elle était persuadée que Dieu n’avait créé personne pour elle. Personne d'assez bien pour elle. Toutes ses relations s’étaient soldées par des échecs cuisant et elle avait fini de croire au grand amour.

 Pourtant, elle en avait souvent rêvé, cet amour qui vous fait vous sentir vivant. Celui qui vous fait vous sentir simple et détendu. Celui qui vous fait frémir d'envie et de désir lorsque vous voyez l'être aimé, le même qui vous fera grandir une énorme boule d'inquiétude dans le cœur lorsqu'il sera loin de vous.

 La rouquine secoua la tête pour éloigner toutes ces idées obscures de son esprit. Elle ne voulait pas passer son dernier jour à se lamenter sur le triste sort de sa vie. Elle était entourée d’amies qui l’aimaient et sur qui elle pouvait compter. Rien ne pouvait plus la combler.

 — Le magasin ouvre ses portes dans cinq minutes, merci de tous rejoindre votre poste ! cria la voix du patron dans le micro.

 — Bon, dit Amandine en posant le carton qu’elle tenait. À entendre la voix du chef, vaut mieux ne pas traîner ! On se retrouve à l’heure du déjeuner ?

 — Avec grand plaisir, bon courage ma belle.

 — Bon courage ! conclut-elle.

 Amandine alla se poster derrière sa caisse et attendit patiemment que les clients arrivent, observant tous ces inconnus qui ne se doutaient pas de ce qu’il se passait dans sa tête. C’était une de ses activités favorite, une manière bien à elle de faire passer plus rapidement le temps. La caissière analysait les achats des consommateurs et leur imaginait une vie.

 Inventer des scénarios l’aidait à entretenir son imaginaire et sa créativité.

 Alors que ses yeux et son esprit divaguaient, jonglant d’un rayon à un autre, son regard croisa celui d’un client pas comme les autres. Elle resta quelques instants bloquée à regarder ce bellâtre avec un grand sourire aux lèvres.

 Baptiste, un grand gaillard d’une vingtaine d’années qui avait pris l'habitude de venir tous les samedis pour la voir. Et elle attendait toujours ce moment avec impatience. Ils s’étaient souvent croisés dans les allées, entre deux paquets de pâtes ou de riz. Une fois, il avait même ramassé un bocal de cornichons qu’elle avait fait tomber. Un simple merci avait réussi à franchir la barrière de ses lèvres. Malheureusement, c’était une des seules fois où ils avaient échangé quelques mots.

 Une alchimie s’était produite entre eux. Parler de coup de foudre ? Non, elle n’y croyait pas. On ne trouvait ça que dans les livres et les films pour adolescente, mais il n’en était rien dans la vraie vie ! Pourtant, elle ne pouvait renier cette attirance qu’elle avait.

 Baptiste fit un mouvement de main qui la sortit de sa rêverie. Elle trouva la situation bien bête et digne des meilleurs télé-films qui passaient en période de Noël. Elle était là, les yeux rivés sur lui, laissant tous les clients en plan. Elle reprit rapidement ses esprits et commença à encaisser toutes ces personnes qui commençaient à râler.

Oh, ça va, pensa-t-elle. Vous avez vraiment que ça à faire de râler ?

 Avec une rapidité et une aisance folle, elle fit défiler tout ce flot de vieux con qui semblait pressé de mourir. Soudainement, des mains fortes et imposantes s’incrustèrent sous ses yeux. Elle ne put s’empêcher de les détailler. Elle savait à qui elles appartenaient et elle n’osait pas croiser son regard au risque de devenir rouge comme une tomate. Mais, le devoir l’appelait et elle devait s’exécuter. C’était donc à contrecœur qu’elle leva les yeux et ils se plongèrent à nouveau dans ces deux grands iris d’un bleu lagon qui semblaient vouloir l’engloutir. Elle inspecta chaque recoin de son visage, dessinant les contours de sa mâchoire ronde et puissante, pour ensuite rencontrer deux lèvres fines qui ne demandaient qu’à être embrassées.

 — Bonjour, dit-il de sa voix grave et suave.

 — Bon… Bonjour, bégaya-t-elle.

 La rouquine se saisit rapidement des articles du perturbateur et lui annonça le prix. Il ne dit rien, sur le moment, se contentant de payer. Leurs doigts se frôlèrent lorsqu’ils échangèrent les tickets de caisse. Un torrent de frisson coula le long de son avant-bras, se jetant tout droit dans son cœur. Une chaleur agréable se répandit dans son corps. Son visage était en feu, à quel moment elle aurait pu imaginer qu’un homme aurait un tel pouvoir sur elle ?

 Baptiste plissa les yeux, visiblement satisfait de la réaction de la caissière, il prit ses biens entre les mains et tourna les talons en direction de la sortie. Elle se sentit immédiatement rassurée et sereine, ce qui ne dura pas longtemps puisqu’il revint vers la caisse. Les yeux pleins de tendresse, il ouvrit la bouche puis la referma, comme s’il réfléchissait à ce qu’il allait dire.

 — Ça m’a fait plaisir de revoir ma caissière préférée.

 Il avait murmuré, comme s’il voulait qu’elle soit la seule à entendre ses paroles. Ses joues rosirent encore plus et elle n’avait pas réussi à dire quoi que ce soit. Après l’avoir gratifié d’un clin d’œil, il disparut dans la foule de clients qui se ruaient vers la sortie.

Moi aussi, je suis contente de t’avoir revu. Même si c’est certainement la dernière fois que je croiserais tes doux yeux bleus qui m’ont fait chavirer, pensa-t-elle avec une once de regret.

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