Chapitre 3 : Keith

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Le soleil était à peine levé lorsque Riley se réveilla, ses muscles raides et douloureux à cause de la nuit passée sur le sol dur. Elle se redressa lentement, grimaçant en sentant la fraîcheur matinale s'infiltrer dans ses vêtements. Son corps lui faisait mal, mais c’était son esprit qui était le plus lourd. Elle n’avait pas de plan, pas de direction. Seulement cette ville immense qui semblait indifférente à son existence.

Elle serra les sangles de son sac sur ses épaules et sortit discrètement de l’immeuble abandonné. La lumière du matin était douce, presque réconfortante, mais la ville se réveillait, et avec elle, le chaos du quotidien. Les voitures commençaient à envahir les rues, les commerces ouvraient leurs portes, et les passants arpentaient déjà les trottoirs, pressés d’atteindre leur destination.

Riley erra pendant des heures, sans but précis, perdue dans ses pensées. Elle aurait pu chercher un refuge ou un endroit pour manger, mais l'idée d'interagir avec quelqu'un la paralysait. Elle craignait les questions, les regards curieux. Elle ne voulait pas être vue, pas encore. Pas avant de savoir où elle allait.

En passant devant un petit bar aux vitres poussiéreuses, quelque chose attira son attention. La porte était entrouverte, et elle entendit le bruit distinct de la musique qui s’en échappait. Une guitare électrique jouait un riff lourd, brut, suivi d’une batterie qui martelait un rythme rapide. C’était du metal, ce genre de musique qu’elle adorait jouer. L’énergie brute de ce son faisait écho à quelque chose de profond en elle, un mélange de colère et de passion qu'elle connaissait bien.

Sans réfléchir, elle s’approcha de l’entrée et jeta un coup d’œil à l’intérieur. Le bar était presque vide, à l’exception de quelques personnes assises au comptoir. Sur la petite scène, un groupe jouait. Ils étaient jeunes, comme elle, et semblaient tout aussi perdus dans leur musique que Riley pouvait l’être avec sa guitare. Leur chanteur, un garçon grand avec des cheveux noirs ébouriffés, captiva immédiatement son attention. Son timbre puissant résonnait avec une intensité qui laissa Riley sans voix.

Le groupe jouait dans l’indifférence presque totale des quelques clients du bar, mais cela ne semblait pas les déranger. Ils jouaient comme s’ils étaient dans une salle pleine à craquer, chaque note, chaque accord frappant l’air avec une violence maîtrisée. Riley sentit son cœur s'accélérer. C’était ce qu’elle voulait. Ce qu’elle avait toujours voulu : jouer, se perdre dans la musique, laisser tout le reste disparaître.

À la fin de la chanson, le chanteur, à bout de souffle, remercia les rares spectateurs. Il sauta de la scène et s’approcha du bar pour prendre une bière. Riley hésita, mais quelque chose en elle la poussa à entrer. Elle franchit la porte, tentant de rester discrète, mais le cliquetis de la cloche au-dessus de l’entrée la trahit. Le chanteur se tourna vers elle et croisa son regard.

— Salut, dit-il en souriant. T’es là pour le concert ?

Riley haussa les épaules, ne sachant pas trop quoi répondre. Concert était un mot généreux pour décrire ce qui se passait ici.

— Ouais… quelque chose comme ça, répondit-elle finalement, sa voix plus rauque qu’elle ne l’aurait voulu.

Le garçon s’approcha, toujours souriant.

— Moi, c’est Keith, dit-il en tendant la main. T’as l’air un peu paumé.

Riley hésita un instant avant de serrer sa main. Elle se souvint alors de son apparence : ses cheveux coupés courts. Keith la prenait certainement pour un garçon. Et ça lui allait très bien. Mieux valait garder son identité secrète pour l’instant.

— Riley, répondit-elle simplement.

Keith se redressa légèrement, observant Riley de la tête aux pieds.

— Riley, hein ? Sympa. T’es du coin ? Je t’ai jamais vu dans les parages.

— Pas vraiment, mentit-elle, esquivant la question.

Keith ne sembla pas s’en formaliser. Il se tourna vers la scène où les autres membres de son groupe étaient en train de ranger leur matériel.

— T’as l’air d’aimer la musique, non ? Tu joues d’un instrument ?

Riley sentit une vague de nervosité la traverser. C’était la première fois depuis des jours que quelqu’un lui parlait normalement, sans suspicion, sans jugements. Mais la simple mention de la musique fit naître en elle un désir brûlant. Elle voulait jouer. Elle voulait sentir à nouveau le poids d’une guitare dans ses mains, vibrer avec chaque note.

— Ouais, je joue un peu de guitare, répondit-elle modestement.

Les yeux de Keith s’illuminèrent.

— C’est vrai ? C’est cool ! Hé, les gars ! appela-t-il en direction du groupe. Riley joue de la guitare. Peut-être qu’on devrait le laisser essayer !

Riley ouvrit la bouche pour protester, mais déjà un des autres membres, un garçon blond tenant une basse, hocha la tête.

— Pourquoi pas ? Ça pourrait être fun, répondit-il.

Avant même qu’elle ne puisse dire non, Keith lui tendit une vieille guitare électrique, une Telecaster noire aux cordes usées. Riley la prit entre ses mains, sentant immédiatement les picotements familiers parcourir ses doigts. Tout son corps vibrait, comme si la guitare complétait quelque chose de brisé en elle.

— Prends ton temps, dit Keith en souriant. Joue ce que tu veux.

Riley respira profondément, ferma les yeux un instant, et laissa ses doigts glisser sur les cordes. Elle joua un riff, puissant, intense, un mélange de rage et de mélancolie. Le son emplit le bar vide, et bientôt, tout ce qui l'entourait disparut. Il n’y avait plus que la guitare, la musique, et cette énergie brute qui coulait en elle.

Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle réalisa que tout le monde la regardait, stupéfait. Keith avait la bouche légèrement ouverte, comme s’il n’en croyait pas ses oreilles.

— Wow, dit-il enfin, impressionné. T’es carrément incroyable.

Riley sentit une chaleur étrange monter en elle, une sensation qu’elle n’avait pas ressentie depuis longtemps : la reconnaissance. Pour la première fois depuis des jours, elle se sentait à sa place.

— Ça te dirait de rejoindre notre groupe ? demanda Keith avec un sourire en coin. On pourrait avoir besoin de quelqu’un comme toi.

Riley resta silencieuse un instant, le cœur battant à tout rompre. Elle venait à peine de s’enfuir, mais elle sentait que quelque chose de nouveau, quelque chose de grand, se dessinait devant elle.

— Ouais, pourquoi pas ? répondit-elle, une lueur d’espoir dans les yeux.

Et c'est ainsi que tout commença.

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