Le lendemain matin, l’air était frais et chargé d’électricité. La prochaine étape de la tournée approchait à grands pas, et le groupe se préparait à une nouvelle série de concerts encore plus ambitieux. Le succès des premières dates leur avait donné confiance, et malgré les défis qu’ils avaient rencontrés, leur lien semblait plus fort que jamais. Mais pour Riley, l’ombre de son passé restait tapie dans un coin de son esprit, prête à surgir à tout moment.

Assise seule dans le bus, elle regardait par la fenêtre, observant les paysages défiler sans vraiment les voir. Son père. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas pensé à lui, mais récemment, alors que la tournée gagnait en ampleur, elle ressentait de nouveau cette peur viscérale de le voir réapparaître dans sa vie. Il ne savait probablement pas où elle était, mais cette pensée ne suffisait plus à la rassurer. Et s’il venait la chercher ?

Riley resserra les mains autour de sa guitare, sentant une tension familière s’installer dans sa poitrine. Sa fuite de chez elle avait été son échappatoire, sa seule issue face à un père autoritaire, violent, qui voulait tout contrôler dans sa vie. Elle avait tout abandonné pour vivre de sa passion et trouver un endroit où elle pouvait être elle-même. Mais chaque jour qui passait, avec chaque interview, chaque nouvelle photo partagée sur les réseaux sociaux, elle devenait un peu plus visible. Et cette visibilité la rendait vulnérable.

Keith s’approcha d’elle, sortant de la petite cuisine du bus avec deux tasses de café. Il s’assit à côté d’elle, lui tendant l’une des tasses, son regard empreint de curiosité.

— Tu as l’air ailleurs ce matin, dit-il doucement, en la regardant avec cette attention particulière qu’il lui portait depuis qu’ils s’étaient rapprochés.

Riley prit la tasse, sentant la chaleur du liquide réchauffer ses mains, mais son esprit restait embrouillé. Elle n’avait jamais parlé à Keith des véritables raisons de sa fugue, ni de l’ombre menaçante de son père. Jusqu’à maintenant, elle avait réussi à éviter le sujet. Mais plus les jours passaient, plus elle sentait que cette vérité devait être partagée. Elle ne pouvait pas fuir éternellement.

— Je… je pense à ma famille, avoua-t-elle finalement, la voix à peine audible.

Keith fronça les sourcils, ne s’attendant visiblement pas à cette réponse.

— Tu ne m’as jamais vraiment parlé d’eux, dit-il doucement. Je savais que tu avais des trucs à régler quand tu as fugué, mais je n’ai jamais voulu te forcer à en parler.

Riley hocha la tête, jouant nerveusement avec la hanse de sa tasse. C’était le moment. Elle sentait qu’il fallait qu’elle se confie, même si cela la terrifiait. Keith méritait de savoir.

— Mon père… commença-t-elle, sa voix tremblante. C’est à cause de lui que j’ai fugué. Il était… il est violent, autoritaire. Il voulait tout contrôler dans ma vie, surtout la musique. Il pensait que ce n’était qu’un hobby, une perte de temps. À chaque fois que je jouais, il trouvait une raison de me rabaisser, de m’empêcher de faire ce que j’aimais.

Keith resta silencieux, mais son regard s’assombrit légèrement, une colère sourde montant en lui à l’idée de ce que Riley avait pu endurer.

— J’ai essayé de supporter ça pendant des années, poursuivit-elle, ses mains tremblant légèrement autour de la tasse. Mais un jour, il est allé trop loin. Il a levé la main sur moi. Et c’est là que j’ai décidé que je ne pouvais plus rester. J’ai pris ma guitare, quelques affaires, et je suis partie. Je ne savais pas où j’allais, mais je savais que je ne pouvais plus vivre avec lui.

Keith inspira profondément, ses poings se serrant légèrement sur ses genoux. Il était visiblement touché et en colère, mais il garda son calme pour ne pas la perturber davantage.

— Et maintenant, avec tout ce qui se passe, continua-t-elle, ses yeux se perdant dans le paysage à l’extérieur, j’ai peur qu’il me retrouve. Qu’il me voie à la télé, ou sur internet. Je suis plus visible maintenant. Et s’il décide de revenir pour me récupérer ?

Keith posa une main rassurante sur son épaule, son regard empreint de détermination.

— Riley, dit-il d’une voix douce mais ferme, je ne laisserai personne te faire du mal. Ni ton père, ni personne d’autre. Tu n’es plus seule.

Elle se tourna vers lui, son cœur battant la chamade. Ces mots, cette promesse, c’était exactement ce dont elle avait besoin. Mais malgré le réconfort que Keith lui apportait, l’angoisse de voir son père revenir la hantaient toujours.

— Et si ça arrive vraiment ? murmura-t-elle, les larmes lui montant aux yeux malgré elle. Je ne pourrais pas l’affronter seule.

Keith serra doucement son épaule, se rapprochant d’elle, son regard ancré dans le sien.

— Tu n’auras pas à le faire seule. On est une famille maintenant, toi, moi, Max, Lucas. Si jamais ton père se pointe, on fera face ensemble. Je te le promets.

Riley hocha la tête, incapable de parler, submergée par l’émotion. Elle n’était plus seule. Cette simple pensée, ce simple fait, lui donnait la force dont elle avait tant besoin. Avec Keith et les autres à ses côtés, elle savait qu’elle pouvait surmonter ses peurs, même les plus sombres.

Quelques jours plus tard, alors qu’ils arrivaient dans une nouvelle ville pour leur prochain concert, l’atmosphère semblait plus détendue. Le groupe plaisantait à propos de la salle où ils allaient jouer, et même Riley se sentait plus légère après sa conversation avec Keith. Elle avait décidé de ne plus fuir, et bien que la peur restait présente, elle savait qu’elle n’était plus celle qu’elle était autrefois. Elle avait changé, elle avait grandi.

Le concert se déroula sans accroc, l’énergie du public étant plus forte que jamais. Riley jouait avec une intensité nouvelle, sentant la musique la transporter loin de ses soucis. Mais à la fin du concert, alors qu’ils signaient des autographes et prenaient des photos avec des fans, Riley sentit une présence familière dans la foule.

Son cœur s’arrêta un instant.

Parmi les visages, elle aperçut un homme, un visage qu’elle aurait préféré ne jamais revoir. Son père.

Il était là, à quelques mètres d’elle, un sourire froid et contrôlé sur le visage. Le sang de Riley se glaça, et pendant un instant, elle se figea, incapable de bouger. Comment l’avait-il retrouvée ? Ses pensées se bousculaient dans sa tête, son corps refusant de répondre.

Keith, qui était à côté d’elle, remarqua immédiatement son changement d’attitude. Il suivit son regard et repéra l’homme dans la foule. L’expression de Keith changea instantanément, son visage devenant sombre et déterminé.

— Riley, reste avec moi, murmura-t-il, se plaçant légèrement devant elle.

L’homme s’approcha lentement, traversant la foule avec une assurance glaçante.

— Alors, c’est là que tu te caches, dit-il d’une voix qui fit frissonner Riley. Je savais bien que je te retrouverais un jour.

Keith se dressa devant lui, son corps tendu comme un bouclier.

— Vous ne l’approcherez pas, dit-il fermement, sa voix grave. Riley est avec nous maintenant.

Le père de Riley éclata de rire, mais il y avait quelque chose de menaçant dans son regard.

— Et tu crois que c’est toi qui vas m’empêcher de la ramener à la maison ? demanda-t-il avec un sourire carnassier. C’est ma fille, et elle rentre avec moi.

Riley sentit la panique monter en elle, mais cette fois, elle ne la laissa pas la submerger. Elle avait grandi depuis qu’elle avait fugué. Elle avait trouvé sa voie, sa force, et elle ne comptait plus se laisser intimider.

— Je ne suis plus ta fille, répondit-elle d’une voix tremblante mais déterminée. Je ne rentrerai pas avec toi. Plus jamais.

L’homme fronça les sourcils, visiblement surpris par sa résistance, mais avant qu’il ne puisse répondre, Max et Lucas se rapprochèrent, formant une barrière protectrice autour de Riley.

— Vous avez entendu ce qu’elle a dit, déclara Lucas d’un ton froid. Elle ne rentre pas avec vous.

Max, bien plus direct, croisa les bras, défiant l’homme du regard.

— Vous feriez mieux de partir avant qu’on appelle la police, lança-t-il avec un sourire provocateur

L’expression de l’homme changea soudainement, ses yeux se durcissant alors qu’il réalisait que les trois musiciens qui entouraient Riley n’étaient pas prêts à la laisser partir sans se battre. Keith, Max et Lucas formaient une barrière protectrice, et Riley, bien qu’encore tremblante, commençait à retrouver un peu de contrôle sur elle-même. Elle n’était plus seule face à cet homme qui l’avait terrorisée pendant tant d’années.

Le père de Riley la regarda fixement, ses yeux remplis de colère et d’incompréhension. Il semblait avoir du mal à accepter que sa fille lui résiste, surtout avec le soutien de ces jeunes hommes qu’il ne connaissait pas. Pour lui, Riley était encore la petite fille qu’il pouvait contrôler. Mais les choses avaient changé, et il commençait à s’en rendre compte.

— Je ne plaisante pas, Riley, grogna-t-il, sa voix pleine de menace. Tu vas rentrer à la maison avec moi, que tu le veuilles ou non. Ces types-là ne pourront rien y faire.

Keith, toujours calme mais visiblement à bout de patience, se redressa de toute sa hauteur, son regard perçant fixant l’homme droit dans les yeux.

— Vous ne comprenez pas, répondit-il d’une voix posée, mais empreinte d’une détermination glaciale. Riley ne va nulle part avec vous. Elle a fait son choix, et c’est nous qui veillerons sur elle maintenant. Vous n’avez plus aucun pouvoir ici.

L’homme esquissa un sourire narquois, jetant un coup d’œil autour de lui, comme pour évaluer la situation. Quelques fans du groupe et des spectateurs du concert étaient encore là, curieux de cette scène qui se déroulait devant eux. L’air était lourd, et une tension palpable s’était installée dans l’atmosphère.

— On verra ça, répondit-il en serrant les poings. Tu ne sais pas à qui tu as affaire.

Max, toujours prêt à en découdre, s’avança d’un pas, défiant directement l’homme. Son expression était dure, son regard inflexible.

— Écoute, mec, grogna-t-il. On a tous compris que t’es pas du genre à lâcher prise, mais là, t’es en train de franchir une ligne. Si tu continues, je t’assure que ça va mal finir pour toi. Riley est l’une des nôtres, et on ne la laissera pas retourner avec toi.

Lucas, fidèle à son habitude, resta plus en retrait, mais ses yeux fixaient l’homme avec une froideur déconcertante. Il ne disait rien, mais sa présence était un rappel silencieux qu’ils formaient un tout, et que personne, pas même un père abusif, ne pouvait rompre leur unité.

Riley, sentant enfin une vague de force monter en elle, se redressa. Elle se plaça aux côtés de Keith, Max et Lucas, prenant une profonde inspiration. C’était son moment. Elle devait affronter cet homme qui lui avait volé tant d’années de liberté.

— Tu n’as plus aucun contrôle sur moi, dit-elle d’une voix ferme, les yeux brillants de détermination. Tu as peut-être réussi à me faire peur avant, mais c’est fini. Tu ne m’effraies plus. Je suis libre de faire mes propres choix, et tu ne fais plus partie de ma vie.

Les mots sortirent avec une force qu’elle ne savait pas posséder. C’était libérateur, comme si chaque syllabe coupait un peu plus les chaînes qui l’avaient retenue pendant tant d’années. Elle se sentait enfin prête à tourner la page, à se débarrasser de cette ombre pesante qui l’avait poursuivie jusqu’ici.

Le père de Riley resta silencieux un moment, ses yeux se durcissant encore plus. Il n’avait pas l’habitude qu’on lui résiste, encore moins que sa propre fille se dresse ainsi contre lui. Sa mâchoire se contracta, mais il semblait comprendre qu’il ne pourrait pas gagner cette bataille, du moins pas ici.

— C’est comme ça, hein ? cracha-t-il finalement. Tu crois que tu vas t’en sortir comme ça, à me tourner le dos, à me manquer de respect devant tout le monde ? Tu crois que je vais te laisser faire ta vie en paix après tout ce que tu m’as fait endurer ?

Riley se figea un instant. Endurer ? Elle voulut lui rétorquer quelque chose, mais Keith prit la parole avant elle, la voix plus dure que jamais.

— C’est fini, dit-il. Vous feriez mieux de partir maintenant avant que ça ne dégénère.

À cet instant, un agent de sécurité, probablement alerté par l’agitation, s’approcha, ses yeux se posant sur le groupe et l’homme menaçant qui leur faisait face.

— Un problème ici ? demanda le garde en croisant les bras.

L’homme se tourna vers le garde, son expression froide et calculatrice. Il resta un moment silencieux, comme s’il évaluait ses options. Puis, sans un mot de plus, il recula lentement, lançant un dernier regard à Riley, plein de colère et de promesses non dites.

— Tu regretteras ça, murmura-t-il avant de tourner les talons et de s’éloigner dans la foule.

Le groupe resta silencieux pendant un moment, regardant l’homme disparaître dans les ténèbres. Riley sentit son cœur ralentir, son souffle revenir. C’était fini, pour l’instant. Elle ne savait pas si son père reviendrait, s’il chercherait à la retrouver encore, mais elle savait qu’à cet instant précis, elle n’avait jamais été aussi forte.

Keith se tourna vers elle, ses yeux pleins de douceur, mais aussi de fierté.

— Ça va ? demanda-t-il doucement.

Riley hocha la tête, bien que sa gorge soit nouée par l’émotion.

— Oui, murmura-t-elle. Je crois que oui.

Max, qui n’avait jamais été du genre à cacher ses émotions, la serra soudainement dans ses bras avec une force presque étouffante.

— Tu t’es montrée sacrément badass, Riley, dit-il en riant doucement. On est tous fiers de toi.

Lucas, plus discret, lui adressa un petit sourire en hochant la tête.

— Tu as fait ce qu’il fallait. Maintenant, il sait que tu n’es plus sous son contrôle.

Riley sentit une vague de gratitude l’envahir. Elle n’aurait pas pu faire face à tout cela sans eux. Ses amis, sa nouvelle famille, ceux qui l’avaient aidée à se retrouver, à reprendre le contrôle de sa vie.

Elle inspira profondément, sentant le poids de cette confrontation s’évaporer peu à peu. Elle n’était plus la petite fille effrayée qui avait fui son foyer. Elle était devenue plus forte, plus courageuse. Et avec eux à ses côtés, elle savait qu’elle pourrait affronter tout ce qui viendrait.

— Merci, murmura-t-elle, ses yeux brillants de larmes qu’elle retenait à peine. Merci à vous tous.

Keith, Max et Lucas échangèrent des regards complices, et ensemble, ils se rapprochèrent d’elle, formant un cercle protecteur. Ils étaient une famille maintenant, un groupe uni par bien plus que la musique.

— On est là pour toi, Riley, dit Keith, sa voix pleine de chaleur. Quoi qu’il arrive.

Riley sourit, une nouvelle détermination dans le cœur. Elle était prête à aller de l’avant.