001 - mon essentielle
Je suis réveillée par le silence. Il n’y a personne. Je suis seule dans mon appartement, étage 73 de la Tour Raymond de Sylvania, capitale de la planète 4. Je me lève et je me regarde dans le miroir. Je ne suis que la pale copie de ma mère. Je ne suis qu’une blonde ordinaire, c’est comme ça que Mary a trouvé mon sobriquet dans la promo. B.O. Béo. Elle, c’était la vierge. La Vierge Marie. Des vérités ridicules. Ma solitude est pesante. J’ai longtemps été en groupe depuis le lycée et au final, me voilà seule. Dring ! La sonnette d’entrée. Seule, mais bien accompagnée. J’ouvre à mon binôme de promotion, Camélia. Si grande, si forte, si brune, ma charmante orientale.
- Danielle ! T’es pas prête ? Il y a la réception à la con à la Mairie. On doit y être. Allez, grouille, il y aura des bulles !
Robe de soirée, simple. En arrivant je fais la bise à ma mère, elle brille de sa rousseur naturelle, je parais éteinte à côté.
- Maman, c’est encore toi de corvée pour représenter l’Octogone ?
- Comment tu vas ma fille ? Tu as l’air toute tristounette.
- Tout est devenu si calme, tout d’un coup. C’est assourdissant.
- Il y a un problème à Sainte-Claire ? Je t’ai aperçue là-bas, hier, pendant l'Office Royal.
- J’accompagnais Camélia, elle voulait entendre jouer sa mère sur le nouvel orgue. Et depuis mon stage je dois y aller de temps en temps, en tant qu’apprentie clarisse. J’aime bien prier, même si c’est pour la Reine.
- J’aurais préféré que tu sois aussi motivée à l’Hôpital.
- La science a échoué maman. Et je ne veux pas passer mon temps à ressusciter les immortels. Pour le reste, on est arrivées en pleine crise. Il n’y a plus grand-chose à vivre. On a juste un beau diplôme inutile. C’est déprimant. Je dois te laisser, Camélia en est déjà à son troisième verre. Je vais la freiner.
Effectivement, elle a déjà l’air bien désinhibée :
- Ma douceur à la vanille, on devrait se mettre ensemble tu sais. J’ai besoin de lumière dans ma vie. Et tu as besoin de piment, de moi. Mais pas la peine de devenir toute rouge comme ta mère !
J’aime bien quand elle comme ça. J’en profite un peu, de sa chaleur, de sa tendresse, de ses caresses. Tout le reste semble bien futile à côté de nos instants intimes. Elle m’a l’air indispensable. On revient de loin. On n'était pas très copines au combat. Et on se disputait beaucoup en cours. C'est la promo qui nous a réconciliées. Et on est restées soudées. Elle est mon essentielle.
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