Benjamin ne l’aime pas. Elle, elle en a rien à faire de lui. Elle ne le calcule même pas. Elle ne voit que moi avec ses yeux brillants au reflets bleus comme des diamants. Et elle me parle pendant des heures avec sa voix douce et grave, rassurante, accueillante, comme une bonne copine qui me confit ses secrets. Quand elle remarque que je ne l’écoute plus, elle me fait un bisou pour attirer mon attention, à chaque fois un peu plus près de la bouche. Benjamin a bien compris qu’il ne fallait pas qu’il rentre trop tôt de Russell pour nous laisser nous amuser. Elle me coiffe. Je suis sa poupée. Je suis son jouet. Et j’adore ça. Elle aussi. Elle en rit de bonheur et m’avoue :

• Je suis en train de tomber amoureuse de toi.
• Notre amour est impossible, je suis ta cousine.
• On a vu d’autres. Les temps ont changé. Ça se mélange dans tous les sens. Il ne peut en rester qu’une, de lignée, la H4 de l’ère 4, comme dans l’homélie de la grande Kate à la Messe. En attendant, je te trouve parfaite, tu as un vrai compagnon, vous êtes un beau couple, sain, naturel, loin des harems et des déviances qui nous ont créées. Moi j’ai passé mon temps à échapper au droit de cuissage du Roi, entre autres. Je me suis même coupée les cheveux mais ça m’a rendue encore plus attirante. Ça a l’air glauque mais pas plus que tout ce qui se passe ailleurs, comme à la Maison Bleue. J’adore ma position de journaliste, ça mer permet de rester en retrait. Je ne m’implique pas. Et je peux me cacher à Russell, loin de la Principauté. En dehors du campus je me sens en danger sauf quand je suis avec toi. C’est peut-être la Marchalle que j’aime en toi. Tu protèges et tu sauves. Tant que tu existes, on a pas besoin de déesse et de religion.
• On a le même parcours. J’ai fuis les sévices de ma communauté du Nord et je me suis protégée en devenant Marchalle. Nos bourreaux ont fait de nous ce que nous sommes. C’est pas dans la Bible, ça ?
• Censuré par la Couronne. Les vrais textes sont cachés au Vatican 4.

Sur les réseaux on voit une superbe photo faite par Coralie, la photographe officielle de la Reine Clémence. C'est pris à la Cathédrale Sainte-Claire pendant la dernière Messe. On nous voit nous, Laurie et moi, main dans la main, on dirait deux anges blanches jusqu'au bout de nos doigts qui se tiennent. L’image est biblique. Nos regards sont mystérieux. Sérieux. Solennels. Intelligents. Sensibles. Le texte illustratif nous raconte. C’est écrit par Megan Honnest, l'écrivaine de fictions romantiques. Les avis sont très positifs. Avec cette image, la Couronne devient populaire. Magnifique propagande. De la communication royale.