J’aime ma modeste existence au Pavillon 34. Camélia va au travail à pied jusqu’à la Mairie, moi je pars en navette principautaire vers Votre-Dame où Victoria m’explique les travaux de sa nouvelle Chapelle dédiée à la Couronne bien-sûr. Sur le chemin du retour, je repense au discours de la grande Kate alors je fais un détour par le Village. Je la trouve à la Taverne, elle a l’air d’y passer son temps, c’est mauvais signe. Elle rigole avec des clientes avant de me voir et de me rejoindre en titubant.

• Elin ! Tu cherches déjà ta XIX ? Je ne suis pas en état. Pas encore. Ici, j’arrive à éteindre toutes les voix dans ma tête.

Je n’ai rien à lui dire. Je la laisse parler. Elle passe du rire aux larmes. Elle me fait rire dans sa tenue de sorcière du Village. Mais elle est toujours aussi perspicace, même dans son état. Finalement, elle se reprend. Elle passe même à l’eau et éteint sa tige. Elle devient toute pâle. Je l’accompagne aux toilettes pour vomir.

• Tu es allergique à l’eau.

Elle me regarde en essayant de comprendre. Mais elle sèche dans ma technique de la punchline à la con, c’est pas dans ses protocoles de psy. Elle se cale contre le mur pour me faire une déclaration :

• Ça va pas le faire. Je crois pas en Dieu. Ni à la Reine.
• Comme nous toutes. J’ai besoin d’envoyer un message avec toi.
• Arrête, je suis assez cinglée pour me prendre au jeu de ces bondieuseries.
• Justement, même si tu vomis le vin de messe sur l’autel, elles sont assez allumées pour en faire un pèlerinage vers tous les fossés où on t’a ramassée.

Elle va pour rire mais après réflexion, elle se vexe. Elle me pointe du doigt et :

• Ça devait être de l’eau bénite, c’est pour ça que j’ai vomi.

D’ailleurs, elle se retourne pour continuer. Elle est drôle. Elle est déjà dans le rôle. Mais même affaiblie, elle est toujours aussi doué, elle a vraiment quelque-chose, un pouvoir, un fluide, immatériel. Elle reprend ses esprits devant le lavabo. Dans son état normal, elle est ailleurs, les yeux dans le vide. Elle doit faire la folle pour se rattacher à la réalité.

• Fini les vacances, docteur Rayane.
• Je ne veux pas retourner à l’Ouest.
• D’accord, je t’offre la Principauté, et tout ce qui va avec.
• Je vais devenir une Princesse ?
• Un peu plus que ça. Tu es une Reine spirituelle, une vraie de vrai.