82 - elle me manque
Je sors du lit en glissant sous les bras et les draps de soie immaculés de Elin pour aller respirer l’air frais sur le balcon. À ce stade là, je ne sais plus qui je suis. J’ai été, celle qu’on m’a faite, génétiquement, socialement, mais au fond de moi je ne suis que Danielle. La seule période de ma vie où je me suis sentie moi, c’est lorsque j’étais avec Camélia, ma douce orientale. Elin l’aime bien aussi. Qu’est ce qui me lie avec elle ? Je regarde mon bras. L’inscription est encore là. L’annexe 4 de la B4. Une malédiction. Encore une, de plus, après mon clonage et ma modification génétique. Ça commence à faire beaucoup de couches qui m’éloignent de mon vrai moi, celle que je voyais dans le regard de Camélia. Elle est la seule à me voir vraiment et c’est à travers ses yeux que je suis vraiment née. Je me retourne pour regarder dans le lit. Elin s’est redressée et elle m’observe. Cette fille a aussi l’air d’avoir des pouvoirs, occultes. Je le sens. Elle aussi elle me voit. Elle est une Greta. Je retourne dans sa couche m’agenouiller en face d’elle et je cherche dans son regard, je me cherche. Je m’approche. Je crois bien que je m’y voit mais ses yeux se ferment pour m’embrasser. C’est doux. C’est tendre. Elle est pleine d’affection. Pleine d’amour ? Et après ? On n’est plus dans l’annexe de Paloma.
- Elin.
- Dani.
- Danielle. Je me vois mal retourner jouer ce rôle qu’on m’a assigné.
- Tu n’y échapperas pas. Tu es GC34.
- Justement. C’est la dernière promotion. Inutile. Une malédiction de plus. Après mon code génétique. Et maintenant ça, tatoué en argent sur mon bras. Toi aussi tu te caches, ici, en Favorite.
- J’y suis mieux qu’au Hangar 8 de Laguna Beach en famille, mieux que dans le Grand Nord à me perdre dans le néant pour fuir ma communauté abusive. Je me sens encore mieux avec toi. Comme si ma quête était terminée. T’aurais pas un galet pour moi ?
Je pouffe et on éclate de rire. C’est drôle. Drôle de se prendre au sérieux comme ça. On rit aux éclats de nos existences légère, enfin. On se cale sur de gros oreillers l’une à côté de l’autre et on joue avec nos monox en se racontant des trucs graves pour nous faire rire, avec quelques secrets ici et là.
- Camélia. Regarde comme elle est belle sur cette photo.
- On dirait une sorcière. Elle t’a ensorcelée.
- N’importe quoi. Quoi que. Ouais, t’a raison. Elle me manque.
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