85 - it's our turn
À la Cousine, on est tranquilles. Toujours pas de drapeau au mat du Palais. Laurie est restée dans les bois avec Brigitte. Elles ont sans doute des tas de choses à se dire, et à se faire, comme nous, Elin et moi. Ma petite Greta à moi. Si frêle. Je l’ai bien en main. Elle aime se laisser dominer par mon corps sur le sien. Et en un clin d’œil elle reprend le dessus, sur moi et sur son plaisir, primaire, sauvage. Pur.
- Je crois que je t’ai arraché un bracelet.
- Il est dans tes cheveux. Bouge pas ma douce. Je le retire.
Entre deux caresses, entre trois bisous, nos quatre yeux ensemble à mélanger nos âmes, je les lui retire un à un. Elle ne les remettra plus jamais. On laisse aussi nos monos dans le coffre avec nos chaînes x avant de partir. Ça fait drôle de la voir habillée en autre chose que du blanc, en robe à fleurs avec ses cheveux détachés et libres. Une navette neutre nous attend. Cap à l’Est, le plus loin possible, jusqu’au Port, coincé entre la montagne dressée face au néant océan oriental. Ici il fait froid et sombre, on est toujours à l’ombre, comme pour se cacher, explique Pauline, à la Capitainerie :
- Sauf que tout ceci n’est qu’une façade. En fait on a aménagé une plage en plein soleil au sud et juste derrière il y a des quartiers résidentiels très agréables avec de grandes maisons en bois de toutes les couleurs. Les Suburbs.
Où le temps coule paisiblement dans des activités calmes de jardinage et de jeux de plage jusqu’au soir où le ciel s’illumine d’explosions multicolore et juste en dessous, dans la fureur et le bruit, on reçoit même de la pluie froide qui nous fait crier de surprise. C’est sans doute à ça que ressemblait la guerre. Et quand tout s’arrête, le calme assourdissant nous entraîne toute dans un état de recueillement où l’on se serre les unes contre les autres pour une nuit de paix et d’amour.
- On va être heureuses ici, Elin. Tu es ma Greta à moi, en bien mieux, comme je suis ta Dana à toi, en ultra améliorée. Ici et maintenant, à côté de la mer, on peut laisser nos mères de côté. Tu me plaît tellement. Je veux te manger à chaque repas. Te faire crier de plaisir, suer de bonheur, noyer ton esprit dans mon cœur.
- J’ai vraiment de la chance de t’avoir, ma poupée modèle luxe. Tu es si belle et tu m’aimes tant. À nous la belle vie et au diable le monde. On n’a pas besoin de lui. Il n’a pas besoin de nous.
Entre le quartier résidentiel et la plage, il y a un grand parc aménagé où l’on flâne. Une jeune maman passe avec un landau. It’s our turn.
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