101 - souci du lendemain
Je me passe de l’eau sur le visage, à pleine main et je me redresse pour affronter mon regard dans le miroir. Je suis à nouveau blonde. Mes cheveux commencent à devenir longs. Avec des nattes, je serais méconnaissable mais je ne veux pas prêter à confusion d’une fusion avec Elin. J’approche mon visage et je caresse ma lèvre inférieure. J’espère que je ne me transforme pas en une Greta moi aussi. Aucune chance, je suis bien plus jolie et mes yeux sont gris maintenant. Elin arrive derrière moi.
- Tu es si belle, Danielle. Je t’aime, mon annexée.
- C’est toi qui a envahi mon annexe. Heureusement d’ailleurs, sinon je serais encore à l’Ouest je pense, à vivre le destin qu’on m’a choisi, offert, imposé. You save me my love.
L’après-midi Bri me rejoint près de notre marre avec deux chaises pliantes. On s’installe et on discute en regardant les poissons dans l’eau.
- Moi aussi j’ai une clone, Sabine. Les clones, c’est l’avenir. Il y aura une guerre des clones dans quelques ères. Les Greta vont gagner, elles sont déjà les plus nombreuses aujourd’hui.
- Tu crois que Elin va engendrer une Greta aussi ?
- Génétiquement, même si elle a les deux lignées, rien ne dit qu’une seule s’exprime. C’est ce qui se passe de nos jours.
- C’est pas le cas pour ces poissons. Enfin, je crois, je vais vérifier.
- Victoria et Clémence, Alice et Aline et leurs descendantes, le clonage commence à s’installer, c’est comme une double immortalité pour nous toutes. On n’est pas prêtes de disparaître.
- Arrête Bri, concentre toi sur toi et ton plaisir, ici. C’est fini le Pôle Sud à l’Ouest. Advienne que pourra. Ça ne nous concerne plus. Bonne chance à la Reine et au Vatican.
Et on éclate de rire. C’est drôle. Ça fait fuir les poissons. On laisse les chaises sur place et on rentre chacune de notre côté. Je me sens si légère, loin de la fille torturée que j’étais il y a pas si longtemps, quand j’étais avec Camélia. J’espère ne jamais la revoir, surtout pas ici, je ne veux pas rechuter en moi-même. J’espère qu’elle est épanouie là où elle est. J’en doute. Je suis sûre et certaine que la vie ici lui plairait beaucoup. Quoi que. Pas de drogue, pas d’alcool, pas de musique. On verrait son vrai visage de clone de Marwah. La pauvre… j’espère qu’elle ne m’entend pas penser à elle… Elle ne me reconnaîtrait pas de toutes façons. Je suis devenue autre, loin de tout, loin de toutes, dans une autre vie parallèle loin de mon destin et de ma lignée, sans souci du lendemain.
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