104 - près de moi
Elle s’arrête de verser mon verre. D’habitude personne ne lui répond. C’est comme si elle parlait dans le vide, comme si elle était un fantôme pour nous toutes. Mais non, pas pour moi. Elle ne sait plus quoi dire alors je continue :
- On aimerait être toutes comme toi. Ici, je pense qu’on peut le devenir. Tu devrais être notre modèle, pas juste celle qui nous écoute et nous désaltère. Reste comme tu es, Mischa.
- Tu connais mon nom ? Personne ne le connaît ici. Comment…
- Je me suis renseignée. Je pensais que tu étais une cyborg tellement je te trouve esthétique, tu es comme une création d’artiste. Mais non, tu existes vraiment, et c’est tant mieux, pour nous, pour moi. Je m’appelle…
- Danielle, je sais. Je suis briefée sur toutes les nouvelles arrivantes.
Je lui tend la main. Elle hésite puis elle se penche vers moi et me tend sa joue. On se fait la bise. Elle en rit de plaisir et manque de renverser pour verre, troublée. Moi aussi je le suis.
- J’ai l’impression que je suis la seule à te voir, vraiment.
- Je sais. J’ai souvent senti un regard sur moi. J’ai eu du mal à te localiser. Je ne suis plus un fantôme alors. Je suis née ici. Je suis toute jeune. Pour vous toutes, je pensais juste faire partie du décor.
- J’ai bien de la chance, d’avoir su te voir. Je lève mon verre, ton verre, notre verre maintenant, à notre amitié, et plus si affinités. Tu as mis du Philtre dedans, j’espère ?
Elle rit. Je lui tend. Elle goûte. À mon tour. À notre tour. On est amies, pour la vie. C’est aussi simple que ça ici. Elle m’invite chez elle, une grande maison tout près. Ça sent bon, une odeur différente dans chaque pièce. Dans le salon il y a une image d’elle avec deux adultes.
- Mes parents. Ils tenaient le bar sur la plage. Je les aidais. Je suis toute seule maintenant. Ils sont partis en bateau en mission d’exploration, pour Aurélie.
On continue la visite à l’étage. Depuis sa chambre, on voit l’océan. Il y a une longue vue pointé dessus.
- Je fais de la surveillance des baleines, des gros poissons qui passent au large. On les repère facilement. Dès qu’il y en a une non identifiée, je la signale et un drone va poser une sonde dessus.
- Pour Aurélie aussi, je suppose. Moi aussi je travaille pour elle, je surveille les espaces naturels autour des maisons.
J’admire la vue en silence, je me retourne, elle est tout près de moi.
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