111 - dans l'éternité
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On rigole de voir Elin à table avec nous, prête à être sevrée de nos laits avec les délicieuses compotes de légumes que Aurélie nous a livrées.
- Ça va plus nous manquer à nous qu’à elle, l’allaitement.
- Qui a dit qu’il fallait arrêter ? Tu peux continuer sur moi.
On est interrompues par la sonnette. C’est Pauline, les traits tirées, les joues encore rouges, qui vient voir Elin.
- Qu’est ce qu’elle est belle ! Ça donne envie. Mais l’évolution nous met en garde apparemment. Heureusement, j’en ai déjà eu quelques unes, ma descendance est assurée. L’Humanité va devenir finie dans l’infini.
- Ça touche aussi le Port ? Et l’Ouest ? Déjà ?
- Ça nous touche toutes, et ça bouleverse un peu la Royauté et ses projets de dauphines. Céder son trône devient radical désormais.
- Finalement, on ne fait pas que passer dans l’Histoire de l’Humanité, il s’agit maintenant de trépasser, de passer le relais, encore et encore.
- Pour toujours et à jamais, c’est l’ère de la quatrième bible.
- C’est quoi d’ailleurs le titre de notre annexe ? Quelqu’une à l’info du Vatican ?
- Sûrement une référence biblique à la con, comme d’habitude.
- Sinon, apparemment, ça se passe bien avec ton Auguste ?
- On rattrape le temps perdu et tout le désir qui va avec. Ça valait le coup d’attendre, ça n’a fait que renforcer nos sentiments. Merci à l’éternité de tous les possibles d’avoir permis tout ça. J’espère que je vais survivre à tous nos ébats. En attendant, ça nuit à ma mission. Je suis moins performante.
- C’est quoi en fait ton travail ?
- Je sauve des humaines, d’elles-mêmes et de l’Ouest. Même si ce n’est pas la fin de la civilisation 4, au contraire, c’est plutôt stable grâce à la royauté et la décroissance stagne avec beaucoup d’institutions à l’arrêt et c’est tant mieux. C’est mieux que la logique de croissance et d’expansion de l’ère 5 à venir. Ses partisans sont dans l’erreur. Pour les autres, c’est important que ce refuge de banlieue de civilisation 4 existe ici. Mais on n’est pas officielles, ce n’est pas un choix légal que de venir ici. Il faut être choisie. Et on ne choisit pas n’importe qui. D’ailleurs, on n’a eu aucun refus et aucun retour à l’Ouest. On est même bien vues du Vatican et de la Reine. Alors bienvenue à vous toutes dans les Suburbs.
Une civilisation parallèle, en mieux, une sauvegarde, au cas où ça merde vraiment à l’Ouest. Voilà ce que nous sommes, la somme de toutes les destins auxquels on a échappé ou qu’on a déjà vécu, dans l’éternité.
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