Quand j’ouvre les yeux elle est encore là, inquiète.

• Tu ne veux pas quitter la piste ? Je vais me débrouiller, j’ai ma maison ici depuis longtemps. Je suis souvent venue pour être tranquille et pouvoir écrire, mieux. Maintenant il n’est plus question de ça. Il ne me reste plus qu’à vivre mon vécu de plein gré.

Quand elle part, elle s’arrête pour se retourner et me lancer un regard qui dit adieu. Elle a l’air soulagée aussi avant de fermer les yeux, tourner son visage et disparaître de mon chapitre. Je peux enfin être seule et programmer mon néant, je vais commencer par dormir, jusqu’à nouvel ordre, mon nouvel Ordre, je rentre chez moi. Quand je me réveille je suis vive, sur le qui-vive. Ma maison a été rangée pendant mon sommeil. Où est mon bordel ? Il n’y a plus une seule bouteille d’alcool qui traîne. Plus une seule bouteille tout court. Et plus rien dans mes tiroirs secret. Toutes les tiges ont disparu. Brigitte. Elle tient vraiment à ne pas reprendre son rôle dans l’annexe. Je croise les bras et je regarde autour de moi. Je ne peux plus écrire ici. Je vais être obligée, d’y vivre. Je vérifie mon coffre. Effectivement, je n’ai plus que ma carte de résidente des Suburbs, sans pouvoir en sortir. Je devrais être paniquée mais ça me fait rire. Je me sens … libérée d’être prisonnière, enfin débarrassée de mes libertés. À moi l’existence. Écrire, on verra plus tard, dans longtemps, dans une autre ère. Je me regarde dans le miroir et j’intègre ma nouvelle image de petite brune. Même mes yeux sont noirs maintenant. Mon identité n’est plus qu’un lointain souvenir. Je ne m’écris plus, je me parle :

• Bonjour Megan Honnest. Tu es vraiment honnête ? Allons voir Misha.

Qui me sert un cocktail, sans alcool sous prétexte que je n’en ai plus besoin.

• Même les cendriers ont disparu de ton comptoir.
• Bienvenue en enfer, Meg. Voilà un bon pour des séances d’hypnose.
• Non, je dois garder l’esprit clair, et trouver la force, de résister. Comment vous faites toutes pour tenir le coup ?
• On jouis, matin, midi et soir. Le plus possible. Le plus fort possible. À en perdre l’esprit. À en gagner la raison de plein de gros câlins d’amour.

Elle était si innocente avant de se faire débaucher par la dépressive Danielle ! Il faut que je trouve ma place parmi elles mais avec qui ? Pas avec les Pôles, ça, c’est sûr. Encore moins Victoria, trop impressionnante. Izzy est aux petits soins avec moi, elle me fait un clin d’œil. Elle a l’air moins aigrie qu’à l’Ouest. J’ai l’air de lui plaire.