135 - Meg - haie à tailler
Auguste s’est étouffé de toutes ses conquêtes en croquant mon sandwich défendu comme une sentence, une vengeance de ses élèves conquises. Pauline a fini par l’avoir parce qu’elle n’avait pas succombé à l’époque. Il revient à la charge jusque dans mon jardin. S’il s’approche trop, je peux lui faire brouter ma pelouse par une prise de self défense. Il commence :
- Qu’est ce que ça fait, Megan Honnest, de ne plus écrire ?
- Je me sens vivre, sans artifice, loin des illusions de l’Ouest, je m’occupe de mes rosiers même s’ils me piquent et font couler mon sang, je sais où couper la tige au bon endroit, juste après le bourgeon.
Ça le fait rire. Il me fait sourire. Je lui tend mon sécateur.
- C’est ton nouveau stylo à ce que je vois.
- Mes actes remplacent mes maux. Oseras-tu essayer ?
Il tend la main qui recouvre la mienne, armée, qu’il désarme en douceur. La dernière fois qu’il ma prise quelque-chose, ça a mal fini, pour lui. Il coupe la tige d’une rose et me la tend sans se piquer.
- Je cueille dès aujourd’hui les roses de la vie.
- Il n’y a plus d’aujourd’hui et qu’est-ce que la vie dans la mort ? Il faut la mordre entre tes dents pour me la donner, je viendrai la chercher.
Il s’exécute, j’en suis étonnée, je regarde à gauche et à droite et puis je m’approche au ralenti. Nos regards ne se lâchent pas. Je croque la tige tout près de sa bouche, à m’en piquer la lèvre. Il lâche, je recule. Il pose son doigt sur ma bouche et me le montre avec une goutte de mon sang qui disparaît dans la sienne. J’en ouvre la mienne à en perdre ma rose qui tombe et qu’il rattrape de son autre main, en se piquant à son tour. Je regarde la fleur rouge et sur son doigt perle une goutte, encore plus rouge. Je récupère enfin la rose d’une main prudente et de l’autre je soulève son doigt blessé jusqu’à ma lèvre piquée. Contact. Nos sangs se mélangent. Je m'excuse :
- Je suis désolée, à chaque fois, je te fais du mal.
- Mais cette fois-ci, tu souffres aussi.
- C’est tellement romantique. Surtout qu’il ne se passera rien entre nous. Même pas en fiction, je n’écris plus.
- Mais tu saignes toujours. Tant qu’il y a du sang, il y a de l’espoir.
- L’espoir n’est pas un concept de banlieusard. Je crois qu’on a fini, de fleurter, jusqu’à la prochaine, si tu restes dans les parages.
- On s’installe ici, avec Pauline. Elle n’ira au Port que pour le travail.
- Alors je crois qu’on ne va pas s’ennuyer. J’ai une haie à tailler.
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