136 - Meg - pleine de promesses
Une routine s’installe, elles passent une à une détendre tous mes muscles, mon esprit s’évapore trois fois par jour, mes sensations s’aiguisent, mes sens s’affûtent et j’essaie de rester debout et droite sur le perron, je m’avance pour prendre le vent et la pluie, réveiller mon corps aux éléments primaires. J’expire ma vie sans mots à immortaliser, juste pour me libérer un peu plus de ce poids en moi qui m’a tenu au sol jusqu’à m’enterrer. Je cherche des forces pour m’en sortir, pour sortir de ma maison affronter la banlieue de notre civilisation, au bar de la plage où Misha se fait taquiner par l’Auguste personnage, j’avance vers eux tout droit d’un pas mécanique et lent, elle se raidit en m’apercevant, il se retourne pour regarder ce qu’elle voit, moi, toute blanche, je me demande si je vais arriver au comptoir avant de vomir. J’ai comme une absence et je reprends mes esprits assise, devant un cocktail multicolore. Je penche la tête en avant pour que ma bouche touche la paille, je ferme les yeux et j’aspire l’énergie suprême qui fait éclore chacune de mes cellules. J’attrape ensuite un grand verre d’eau que je bois d’un trait sous leurs regards inquiets :
- Ça va mieux. Je me rends compte maintenant que j’étais beaucoup plus sage avant. La docile blondinette a laissé place à la vraie Megan H instrinsèche. J’ai soif. Je veux qu’on m’arrose. Que je m’épanouisse. Que je grandisse. Que je jou…
- Meg, et ta haie ? Tu as besoin d’un coup de main ?
- La vertu des espaces verts, c’est tout ce qu’il me reste.
- Il y avait quoi dans le cocktail ?
- Rien !
Je suis évacuée vers le CMS. Les médecins sont inquiètes. Ma tension est trop basse. Je décompense. La science ne peut plus rien pour moi. Tout devient sombre. Greta apparaît, elle rayonne. Je sens son sein contre ma bouche. Et je m’endors. Au réveil je me sens bien. Toutes les courbes sont à l’équilibre. Je peux rentrer, chez moi, avec une prescription en poche. Je l’ouvre à la maison, dans la cuisine ensoleillée, devant un alcaloïde bien chaud. À l’intérieur de l’enveloppe crème, une page cachetée à cire rouge. Je brise l’hymen pour m’ouvrir sur la connaissance du message manuscrit : « Il ne peut en rester qu’une ». Belle façon de dire de ralentir. Diviser les doses par trois. La logique voudrait que ce soit Bri ou Danielle, les autres autrices de l’annexe. Mais j’en voyais une troisième et elle ne fait pas parti de leur clan. Une femme inquiète que j’ai dû rassurer comme j’ai pu. Elle est pleine promesses.
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