137 - Meg - son fruit légitime
Je débarque au bar de la plage qui a l’air d’être entre deux, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. On se sent, nulle part, entre l’océan néant et les quartiers matrices. Elles sont toutes là, à l’apérotif, à trinquer au cocktail sans alcool mais avec...
- Alors, qui as-tu choisie ?
- Aucune d’entre-vous. Et je tiens à ma vie privée. Si vous êtes si curieuses, il va falloir vous trouver un exemplaire de la Bible avec son annexe 4, à jour. Si je ne vous vois plus, vous allez en disparaître. C’est ce que vous voulez, ou bien ?
- Ça nous changerait. Tout l’Ouest est bien tranquille à vivre son éternité. Pourquoi pas nous ?
- Ainsi soit-elle. Je vous laisse, mes amies, et je pars vers d’autres aventures, ou pas. Qui sait ?
Je me retourne comme dans une danse, en levant le bras en l’air en guise de signe d’adieu. Les voilà libérées, j’entends leurs cris de soulagement et je pars en sens contraire loin de la magie du littoral. Je la rejoins au kiosque à musique qui n’en a pas entendu depuis longtemps. Pauline aime y être. Je crois que ça lui rappelle un endroit éloigné dans l’espace et dans le temps. Elle ne m’attend pas, elle est surprise de me voir.
- Megan ? Alors ? Ça va ? Tu as prise ta décision ?
Pas besoin de répondre. Elle n’a qu’à me regarder pour comprendre en analysant comment je l’envisage, elle. Je m’approche doucement, en silence, tout près jusqu’à sentir son souffle. Elle était ma troisième fois par jour. À chaque fois on était sous emprise. Mais là, on est dans notre état normal. Elle s’est vite aperçue qu’elle n’était pas ma première terrienne. Je m’entends lui dire dans un lointain écho : « Il n’y a pas que les garçons qui fantasment sur vous. » Elle n’avait jamais grand-chose à me dire. Juste des gestes, des expressions, je peux lire tous ses sentiments sur son visage ou dans la posture de son corps. J’ai l’impression qu’elle a toujours su, pour nous, qu’elle connaît le début et la fin, qu’elle l’a lu dans un livre en pleurant et je l’entends dire : « It’s just such a beautiful story. » Elle me prend les épaules et je reviens à l’instant présent où ses lèvres touchent les miennes, où mes yeux se ferment, où je prends par les hanches comme si elle était à moi.
- Et ton homme, Auguste ?
- Quand il sera prêt, il se trouvera une place, entre nous.
Il lui reste toujours ma haie à tailler pendant que je me délecte de son fruit légitime.
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