145 - Meg - square à part
L’intervention se passe mal. Je vois tout depuis la navette dans l’équipe aérienne. Balise de détresse enclenchée, personne à bord, personne en surface, le sous-marin cherche et trouve. Ils remontent le corps, l’évacuation, c’est pour nous. Sur le chemin de l’Hôpital, je regarde les secouristes s’acharner sur un corps sans vie. Je le vois, je le sens, son âme n’est plus là. Elle a un tatouage sur le poignet, un vieux logo que je n’avais pas vu depuis longtemps, Chevalière de l’Apocalypse. J’aurais pas du regarder au-delà des limites de surveillance. En fait, toutes celles qui ne nous arrivent pas au Port terminent leur voyage au large. J’écoute le médecin de bord :
- On peut réanimer le corps mais on n’a pas de sauvegarde pour le cerveau. Elle est sur les listes des adeptes de l’ère 5. Ilot 232. Encore. Ça se passe mal là-bas. On transmet le dossier à l’Octogone. Et pour le corps, on le laisse à l’Hôpital.
On atterrit à Laguna City, il fait nuit, il fait chaud. Je pose le pied sur le H. Je suis incognito ici, aspirante H. Bizarrement, on suit toute le médecin de bord qui descend sur l’esplanade en bas, fumer une tige avec les autres medics locaux qu’il a l’air de connaître. Je vérifie autour de moi, il y a quelques garçons, ça fait bizarre, je n’en avais pas vu depuis longtemps. Je regarde l’entrée de l’Hôpital. Je me rappelle bien des lieux. J’y ai fait quelques séjours. Je retourne voir, je regarde ma montre pour avoir le temps disponible, j’active la localisation de mon monop et j’informe ma cheffe directe que je vais faire un tour. Vers la cafétéria, l’odeur de caramel se rappelle à moi, je vais y chercher la boisson réconfortante et je regarde le nouveau plan vertical, le niveau et les admissions, je prends l’ascenseur pour aller voir. Je circule librement avec ma tenue de secouriste et mon monop ouvre toutes les portes. J’arrive jusqu’à la morgue avec mon gobelet encore chaud à la main. Un blouse blanche me repère et m’apporte un sac en plastique.
- Voilà ses affaires. Le doc a signé pour le frigo. Vous confirmez ?
- Oui, on l’a récupéré au large, à l’Est, près du Port. On en a souvent.
Je vois qu’elle a envie de discuter mais elle n’ose pas. Elle se protège. Elle met de la distance entre son travail et sa vie. Elle a raison. Je pars pour arrêter de la tenter.
- J’ai fini mon service. Tu veux un autre caramel ?
- T’as pas une tige plutôt ?
Elle hésite mais pas longtemps, elle me fait signe et je la suis en surface, mes collègues ne sont pas loin. On s’installe dans un square à part.
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