152 - Meg - délivrée je suis
Ça ferait une belle histoire. Dommage que je n’écris plus. Je passe dans le couloir, la porte du bureau est ouverte, la machine a écrire trône sur son bureau et me nargue. Il n’y a pas de chaise. Je n’écris que assise. Alors je continue mon chemin et la porte claque derrière moi. Le bureau s’est fermé tout seul. Ou bien est-ce moi ? Je regarde ma montre. Tout va bien. Je suis ici et maintenant. Il est l’heure de faire jouir Pauline.
- Arrête, tu griffes et tu es toute froide. C’est plus comme avant. Tu fais pareil avec Estelle ?
- Elle et moi on ne se touche pas. Pas l’une l’autre je veux dire. Elle est d’un genre… nouveau. Je ne risque pas de te tromper. Et il n’y a que toi qui puisse me faire …
De mes mots elle passe aux actes et je la sens tout entière entrer en moi. Je succombe, je me réchauffe, je m’endors, toute la nuit. C’est ma montre qui me réveille, dès l’aube, avant le lever du soleil, quand le ciel prend une couleur prometteuse et grandissante pour annoncer l’étoile qui va montrer et briller dans mon cœur que Estelle écoute à ma visite médicale quotidienne au CMS où elle officie désormais.
- La machine n’entend pas la même chose que mes oreilles de tes oreillettes. Il y a une sorte de fibrillation sourde.
- C’est mon amour pour toi, docteure B.
- L’amour vibre, il est beaucoup moins discret.
- C’est la Foi alors. Je crois en toi.
- Raconte-moi tes journées, comment tu les perçois ?
- Toujours en deux parties. Ça commence avec Pauline, ça finit avec toi.
- Comme les battements de ton cœur.
Elle enlève ma montre pour la régler. Je me sens toute nue sans et habillée avec, rassurée. Je la regarde pour ne pas perdre le rythme de mon temps. J’aime pas avoir Estelle comme médecin. Je la préfère comme amie. J’espère que je serai bientôt guérie. Mais elles sont toutes inquiètes autour de moi, même la tribu des 6. On se met autour d’une table ronde en se tenant les mains. Greta à ma gauche, Misha à ma droite. Pauline et Estelle sont en face. On est neuf. Je ferme les yeux et j’inspire leur force. On est neuves. Même ma montre réagit mais elle vibre de moins en moins fort, elle s’éteint. Le bracelet se déverrouille et tombe sur la table. J’ouvre les yeux pour le regarder tournoyer vers le centre qui l’attire pour une dernière danse. Je me sens mieux tout d’un coup. Je lâche les mains et tout s’arrête. Je me lève et je fais le tour, chacune m’embrasse mon poignet libéré, délivrée je suis.
Annotations