157 - Meg - nos fronts aussi
De la réglisse salée, voilà à quoi je lui fait penser, je suis une double stimulation pour ses sens et je vois dans ses yeux qu’elle ne pourra plus jamais se passer, de moi. Elle m’appartient également, en quelque sorte. - On est liées, on n’a plus à avoir peur de se perdre. Je suis ou tu es ma dernière. Promettons-nous de continuer à aimer et à être aimée après nous.
- Je ne sais pas si ça existera encore. C’est peut-être notre dernière histoire d’amour. On ne peut pas avoir l’éternité en toute impunité. Il y a sûrement un prix à payer, un revers de la médaille.
- J’en ai déjà deux et toi quatre. Tu es mon double.
J’arrive à la faire rire. On s’embrasse d’un baiser solennel, comme dans un mariage ou une cérémonie occulte de soumission affective. Ensuite on se fait toutes belles pour recevoir Danielle et Misha qui fait le tour de la maison avec Pauline pour prévoir des aménagements d’espionne ou je ne sais quoi, ce qui me laisse avec Danielle et sa beauté sobre et naturelle, son regard vague et ses mèches rouges.
- Je peux la voir ? La chambre, où il y a la machine à écrire.
- En fait, c’est un bureau, relié à une chambre, mais on peut y accéder directement aussi. C’est à l’étage, côté jardin.
J’ouvre la porte et la lumière éclaire directement la petite table au centre de la pièce, là où trône l’instrument de torture gothique, noir et or. Une page est enclenchée avec en titre un seul mot tapé : « Chapitre »…
- Tu as déjà écris une phrase là-dessus ?
- Je n’écris plus d’histoires, Dani, je vis mes histoires. Mais je t’en prie, installe-toi, il y a mille pages blanches d’avance et l’encre est infinie.
- -e ne peux pas, Meg, ce n’est plus mon tour.
- C’est ton annexe, elle te reviendra et tu taperas le mot « Fin ».
Elle me regarde en souriant, comme si ce que je disais était ridicule, elle sait des choses que je ne sais pas, c’est sûr. Je n’ai pas sa classe, je ne suis pas GC34, je ne suis qu’une imposteuse qui joue avec le feu. Je me sens triste, je vais regarder à la fenêtre. Pauline et Misha discutent avec leurs bras qui montrent des projets fantômes autour d’elles. Je sens Dani derrière moi.
- Elles ont l’air sage. Et toi, tu l’es ? Tu sais que Adé a peur de toi ? Elle croit que tu lui a jeté un sort. Elle a des nausées quand elle te lit.
- Je suis une marinette, je tangue sous la houle. C’est ma vie. Tout me monde finira par vomir sur la Bible en lisant l’annexe 4.
Et on se met à rire. Nos mains se rejoignent. Nos fronts aussi.
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