Pour nous changer les idées, elle arrive je sais pas comment à nous exfiltrer à l’Ouest jusqu’au bâtiment éteint de l’Agence spatiale.

• On s’est déjà envoyées en l’air mais je ne t’ai jamais emmenée dans l’espace. Je t’ai trouvée une tenue, avec les trois galons, s’il te plaît. Chez nous tu es capitaine H.

Elle est trop. Quelle aventurière ! En plus , c’est la déesse du Pôle Sud. Elle est pas juste une sportive ratée qui ne sait que perdre… C’est juste une façade. Elle est tellement plus, quand on y regarde bien. Izzy ne s’y trompe pas. Elles s’aiment depuis toujours et je comprends pourquoi.

• On est trop loin des antennes là-haut, non ?
• S’il n’y avait que ça. Le vide sidéral est hostile de bien des manières. Mais on a toutes les protections qu’il faut, même une antenne relais dans la navette. Tu va rester la jolie petite brunette chétive que tu es devenue.

On ne va pas très loin, on tourne juste au dessus de l’atmosphère, en inversé avec le volet du toit de la navette ouvert pour admirer notre planète 4, orange, avec ses pôles glacés et ses petites îles dont la nôtre qui paraît si grande finalement. On voit tous les détails. Je prends conscience de comment c’est organisé. Je regarde autour et je ne vois rien d’autre. Dans le silence, tout est si calme, en pleine apesanteur, tête-bêche, joue contre joue.

• Où sont passées les étoiles ?
• Elles se cachent dans l’ombre de la nôtre. On ne les voit que d’en bas où alors il faut se cacher du soleil. Mais je peux t’en montrer d’autres, dans ton cœur.

Elle tourne la tête, je la regarde et elle m’embrasse. Effectivement, ma poitrine semble pétiller. C’est tout le charme d’un baiser dans l’espace sous les reflets orange de la terre de nos jouissances. À l’atterrissage, j’ai l’impression de sortir d’une cérémonie occulte. Bouleversée je suis. Elle aussi. On dirait même qu’elle s’efforce de faire face à tant d’émotions.

• Je ne sais pas quoi dire pour te remercier, de cette expérience, étrange.
• Merci à toi Megan. C’est pas toujours comme ça. C’est même la première fois que je ressens autant de choses, là-haut. Et même maintenant, au retour, je me sens toute petite, modeste, humble, reconnaissante. C’est comme si mon âme était restée dans l’espace. C’est peut-être ça. On est mortes, tu crois ?
• Non, je crois même que c’est le contraire.

On se change et on rentre, incognito, au fond de l’Est vivre nos petites vies.