168 - pour nous réunir
Je repense à Greta, elle vient d’un monde qui était construit sur le mensonge, où la fiction avait déjà trop d’importance, où le nihilisme a conduit la civilisation à sa perte.
- Elle a échoué dans le sauvetage de son monde alors comment moi je pourrais réussir ?
- Une chose est sûre, tu ne peux pas faire pire. Crois-moi, j’y étais. J’ai vu tous les efforts qu’elle a fait pour sauver la planète 3. Greta était bien plus puissante qu’aujourd’hui et elle n’a pas réussi. À part nous sauver nous. Mais toi, Megan H, tu vas y arriver et tu sais pourquoi ? Parce que notre planète 4 n’est pas en danger. Parce que tout est sous contrôle. Parce l’alphabet n’est pas assez long pour tous les plans de secours qu’on a. Parce que si quelqu’une peut maîtriser la Bible et notre histoire, c’est bien toi.
- Je suis quelle lettre dans vos plans de secours ?
- Tu en as plusieurs. H et M. C’est stylé, non ?
Pourquoi elle m’aime autant ? Pourquoi je l’aime autant ? On a rien en commun. J’ai même découvert que dans la Bible, Pauline arrive avant Greta.
- J’ai renié tout ce que j’étais avant de venir ici. Et pourtant, je vous apparaît comme l’élue juste parce que j’ai écris des histoires ?
- Une élue n’a pas ce pouvoir. Seule une Déesse peut écrire des histoires. Certes, tu n’écris plus. Mais tu peux encore les empêcher. Tu l’as déjà fait. Avec Auguste, il ne s’est rien passé.
- Mais à quel prix ? Tu l’as perdu.
- Mais je t’ai gagnée aussi. Et tu m’as gagnée. Ça valait le coup, non ?
- Si. Oui.
- Allons nous coucher.
C’est toujours ainsi qu’on termine nos conversations sérieuses. Pour être sures qu’on s’aime toujours, malgré les révélations, la vérité et la fiction. Notre amour est le plus fort parce qu’il n’a aucun sens. Il est apparu comme ça, au détour d’une rencontre intime. Silencieusement. Opiniâtrement. Inévitablement. Comme un appel, et on y a répondu. Et on y répond encore et encore, tous les jours, plusieurs fois par jour parfois, par des rires, par des larmes, par des cris, par des râles, tous et toutes, de plaisir, d’extase, d’absolu, comme maintenant quand j’entre en elle pour qu’elle sorte d’elle-même. Elle m’aime. Je l’aime. On sème notre bonheur sur notre histoire, on s’aime même d’un simple regard, de l’infiniment petit instant à l’infiniment grande ère 4, la nôtre, celle qui m’a vue naître et celle qui l’a empêchée de mourir, pour nous réunir.
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