175 - un moment magique
Plutôt que de buller devant des écrans vides en salle opérationnelle je monte à la vigie vérifier qu’il n’y a vraiment rien à faire. L’ambiance au grand jour est tout sauf tendue, dehors il pleut, ça va être une bonne journée, une excuse pour ne pas avoir à faire dehors et rester tranquille, à l’intérieur. Je change de bâtiment, je vais tenter ma chance au commandement. Il faut d’abord traverser un long couloir sombre à la dominante verte, surnommé le couloir de la mort qui débouche sur le secrétariat où une rouquine aussi excentrique qu’efficace prend notre identité et la raison de notre visite.
- Officier de quart, rapport de capitainerie.
- Bonne chance, il reste de la place en salle d’attente.
Super ! Je vais au bar me servir une grande boisson chaude et je m’installe confortablement pour scroller sur mon mono. Je me concentre sur le réseau extérieur et je regarde ce que mes anciens élèves produisent. C’est intéressant. Qu’est ce qu’ils sont doués. Je me laisse emporter dans leurs écrits pendant autour de moi les gens vont et viennent. On tapote sur mon épaule. Je regarde. J’enlève mes écouteurs, je range mon mono et je me mets au garde à vous. Elle me fait signe de la suivre mais ce n’est pas mon tour. Elle insiste, je passe devant le carré opérationnel où les connasses de contrôleuses attendent pour des trucs importants, je leur fais un signe poli de compassion pendant que l’Amirale s’impatiente en s’assurant qu’elles entendent :
- Meg, fallait me dire que tu venais. Je t’aurais prise plus tôt.
Je referme la porte derrière moi et elle pouffe de rire. Elle sort sur son grand balcon, je la suis. Elle me propose une tige blanche et on médite à l’abri de la pluie en écoutant la place d’armes chanter la symphonie des gouttes.
- Comment ça va, Amirale ?
- Mieux depuis que tu es là. Ça me fait une pause cognitive.
On se regarde en silence. Elle se détend. Puis elle se dresse tout d’un coup.
- Amirale ?
- Il faut que tu le vois ! Suis-moi, on va descendre par l’escalier de secours.
Elle ouvre un parapluie et me colle à elle pour suivre l’allée qui mène à la Villa de l’Amirale. Dès qu’on passe le portillon blanc, je comprends en entendant les aboiements. Elle l’a toujours. Lui lui fait la fête et j’arrive à l’approcher pour le caresser. Incroyable. Un moment magique.
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