181 - en amorem reverteris

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Tout de noir vêtue, avec un voile sur le visage, je monte à la chair pour surplomber mes fidèles. Mais personne ne me remarque. C’est comme si j’étais invisible, un fantôme, une apparition. Alors je m’accroche au rebord en bois, j’inspire profondément et je crie de toutes mes forces, un « a » qui vire au « i » strident. Dans le silence qui suit, elles sont comme paralysées mais j’ai leur attention. Alors je sors de sous ma robe un casque anti-bruit, je lève la main au toit défraîchi et humide pour claquer des doigts en attendant leur écho. Tout se met à vibrer sous l’orgue trop grand pour la petite chapelle qui commence à se fissurer et à s’effondrer sous une pluie de vitrail multicolores traversés une dernière fois par la lumière qui le donnait sens. Les brebis égarées essaient de sortir mais la lourde porte en bois est bloquée. Tout s’arrête. J’enlève mon casque et je commence mon homélie.

  • Au septième jour, la Déesse se reposa. Tout était enfin en place. L’immortalité dans l’éternité de la vie, la disparition du mal dominant et de ses guerres, avec l’amour sous toutes ses formes qui remplit nos existences. On existe, dans une existence qui n’a pas de fin. J’appelle ça : « L’éternellence ». Alors. Qu’allez-vous en faire de cette éternellence ? « Quête » vous venues en faire ici au bout de l’Est, au bord du port ? Alors bien-sûr, il y a la tentation du large et son temps qui s’arrête à l’abri des ondes telluriques qui elles arrêtent notre mort. Vous avez fait la moitié du chemin en venant ici ne pas trouver ce que vous cherchez. Et vous aller repartir vous perdre à l’horizon sans terre où la Capitainerie essaiera de repêcher votre péché original. Ça marche pas toujours, j’en ai fait l’expérience, une expérience existentielle, pour exister dans le ciel. Moi qui croyait essayer de sauver des naufragées qui tentaient de rejoindre notre jetée promise, non, elles repartaient déçues vers leur funeste destinée. Alors je ne vous chasse pas, non, je vous retient prisonnières dans ma chapelle, sous ma bonne parole, jusqu’à la fin de la messe où vous aller retourner en pleurs dans vos vies misérables à essayer de trouver un sens à tout cela. Mais l’éternité ne va que dans un seul sens. Celui de l’avenir, celui de votre destin. Que la paix soit avec vous et avec la Sainte Chapelle de l’Ordre Noir.

Les portes s’ouvre brusquement et la foule s’échappe en criant de terreur. Je suis sûre que les medium du Vatican en font une crise d’épilepsie. Mais je pense que ça leur a fait du bien à toutes, ces réfugiés de l’Ouest en quête de spiritualité. Je leur ai offerte là une expérience qu’elles ne sont pas « prêtres » d’oublier. Memento, mulier, quod te ipsum et en amorem reverteris.

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