185 - mes sens intimes
Elles sont toutes là, au manoir où j’ai mise du noir partout avec des bougies éternelles à flamme froide. Estelle me chuchote à l’oreille :
- Elle te regarde tout le temps, avec bienveillance et amour.
- Toi aussi. Pourquoi vous m’aimez autant ? Je ne fais rien pour.
Danielle me fait un discours sur le fait que je suis la meilleure :
- Parce que tu connais les deux côtés, les deux dimensions de notre histoire à toutes et que tu en joues parfaitement bien, certes avec ton style un peu particulier qui peut ne pas plaire à toutes, sauf si elles sont de la tribu.
On s’embrasse toutes et je me mets debout sur la table pour répondre :
- Si on est toutes là ce soir, c’est grâce à Aurélie qui a fait construire cet endroit. On est chez elle ici même si elle n’a jamais voulu y habiter. Ça fait longtemps que je viens aux Suburbs, j’y ai écrit plusieurs bouquins, dans la paillote près du bar où il se passe plein de choses beaucoup plus intéressantes maintenant. Bref, ici je suis quand même la seule qui ne doit pas sa présence à Pauline mais avec qui je partage la vie. En effet, je ne suis pas une réfugiée, je suis une résidente occasionnelle et j’ai mon passeport universel. Mais grâce à vous, c’est ici avec vous toutes que je me sens vraiment chez moi et vraiment moi. Bisous !
- Pas de cri et de tremblement de terre ?
- Je réserve ça à mes adeptes de l’Ordre de la Chapelle noire. Les pauvres… Si je n’avais pas été rappelée par une dernière période de réserve par la Marine, elles auraient eu droit à la Messe du jour des morts ou un truc du genre. Heureusement que vous ne pouvez pas venir. Et je préfère rester avec vous, ici, aux Suburbs qui pour moi ne sont plus un lieu d’écriture mais un endroit où vivre et aimer.
Et Pénélope dans tout ça ? Être ou ne pas être avec Pénélope ? Être avec elle, telle est la réponse. Je me rassois, un peu honteuse, je viens de leur mentir à toutes même si au moment où je l’ai dit je le pensais vraiment. C’est pas grave, je suis la foldingue Megan H, je commets de nombreux péchés à me faire pardonner. Dès le lendemain je me retrouve à la Chapelle Noire, réparée et rénovée, je me change sans la sacristie pour aller m’agenouiller devant l’autel et prier pour m’expier de ma luxure. Mais je suis interrompue par une mystérieuse dame en tenue claire qui n’enlève pas son chapeau pour entrer en mes lieux maudits. On dirait une angelesse. Elle cherche la Chapelle Blanche ? Je me relève pour aller la virer mais je m’aperçois vite que c’est Pénélope, et elle n’est pas en quête de spiritualité. Je ne l’ai pas vue venir. Elle aveugle mes sens intimes.
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