J’ai été contaminée, par l’Invisible, d’où mon problème de mélanger le passé, le présent et le futur. D’où ma solution aussi d’en faire bonne usage et de garder cette impression d’être toujours là, au bon moment, d’être dans le bon présent, celui qui produira le bon futur. En attendant, avec Gloria, on boit une bonne théobromine bien chaude sur le perron de la maison 25 en partageant une couverture sur la balancelle où elle me chante ses poèmes.

• Qu’est ce que tu faisais avant moi entre deux niveaux sur le campus ? Tu allais à des fêtes ?
• C’est pas mon genre mais oui, surtout celles où les professeurs traînent. J’ai suivi Auguste dans quelques événements, des soit-disant congrès de poésie, si tu vois ce que je veux dire. J’ai jamais vu autant de drogues circuler dans ces endroits là. Je traquais ma proie pour l’attraper au moment le plus vulnérable. Je lui ai volé un ou deux bisous mais il ne s’en rappelle même pas tellement il était chargé.
• Auguste, chargé ? Je comprends maintenant d’où lui vient l’inspiration pour sa poésie. J’ai jamais rien comprise à son premier bouquin. Le seul truc beau dedans, c’est la quatrième de couv’ avec son portrait.
• Mmouais. Ou alors c’est pas de notre niveau, qui sait ? Sinon, pour Pénélope, toi qui a plus d’expérience, avec elle et avec les autres, tu la trouves normale ou bien un peu différente, dans son comportement, en intimité ?
• Tu as raison de le remarquer et je te confirme qu’elle est unique. Malheureusement il n’y a pas l’air d’en avoir beaucoup comme elle.
• Peut-être que c’est la façon de faire des femmes de la première vague ?
• Non, on en aurait entendu parler. C’est peut-être juste avec nous qu’elle est si douce, si maternelle, si naturelle, si affective, si calme, comme dans une célébration occulte sous l’emprise d’un Philtre puissant. Elle nous amène à son plaisir dans une attitude divine. C’est à ça que doit ressembler un miracle.
• Ça alors Jenna, tu sais trouver les mots.
• À toi de nous les écrire, moi j’ai la flemme. Mon lointain fantôme courait après les mots, elle capturait les phrases de peur qu’elles lui échappent mais moi, Jenna, j’ai une seule envie, c’est d’ouvrir toutes les cages et rendre la liberté à toutes ces émotions.

Gloria me regarde, pensive, comme si j’étais une source d’inspiration, sa muse qui se consume pour l’éclairer, la réchauffer de mes pensées oralisées dans le plasma de sa fascination. Elle est, mon auditrice.