229 - notre louange
Je les laisse digérer leurs pensées sur le trajet du retour. Paulette part marcher sur la plage avec Médo. Elle n’est encore qu’une enfant, c’est sa façon de réagir. Mais pour l’autre, c’est une autre histoire.
- Tu vois, Gloria, je n’écris plus mais la magie est toujours là. Heureusement, elle ne se manifeste plus que dans les lieux sacrés. Préviens-moi quand ça t’arrivera. J’ai un autre conseil pour tes écrits de fictions. Ne te relis jamais. Ne corrige pas les fautes. Ne fais pas de ton œuvre un livre publiable. C’est une sécurité pour se protéger de la perfection, pour ne pas se faire aspirer par la fiction.
- Comment on le sait quand on est dans une fiction ?
- Tant que notre quotidien est imparfait, on sait qu’on n’est pas dans un conte de fées. Je vais te montrer.
On va au basement, le sous-sol de la maison 25. J’ai installé un jeu de fléchettes sur le mur. J’en prends une, je me mets à bonne distance, je vise, je me concentre et je lance. Elle n’est pas plantée au centre.
- Tu vois, je ne suis pas parfaite. Elle n’est pas au centre. On n’est donc pas dans une fiction. Je vérifie de temps en temps pour m’assurer que l’annexe ne m’a pas retrouvée.
- Je l’ai vue avant que tu lances que tu n’étais pas parfaite. Tu sors le bout de ta langue et sur la mets sur le côté quand tu te concentres. Je te montre.
Et elle louche en même temps. Mais au lieu d’en rire, j’attrape son petit bout de langue avec mes dents pour l’aspirer dans un baiser langoureux.
- Nos baisers non plus ne sont pas parfaits. Ce serait bon de vérifier le plus possible dans une journée. Et la nuit aussi. Tout le temps. Je t’aime Gloria, même quand tu louches.
- Et Victoria, comment elle a su ?
- Elle me l’a dit il y a longtemps, quand elle faisait le tableau. Un truc du genre : « au moment venu, tu sauras. » Elle n’a rien à voir avec l’annexe. Elle est connectée à Pénélope et à Paulette, c’est la famille R.
Sur ce, je rejoint Paulette sur la plage pour écouter ses angoisses.
- En fait, ça m’a excité, être ainsi exposée nue dans un tel lieu à faire de telles choses. Je comprends maintenant mes actrices.
Je la ramène à la maison, le chien nous suit. L’insouciance nous gagne à nouveau dans la bonne humeur de notre foyer. On dîne, on joue à un jeu de société, on se lave avant de se mettre au lit et quand la nuit s’installe, juste avant de sombrer dans le sommeil, on reproduit notre louange.
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