263 - faire le tri
Je reçois un courrier officiel. Je suis reçue à Western Technology, le laboratoire un peu plus au nord. Déjà ? Pourquoi ? Je ne suis même pas encore ingénieure. Il y a une date. Mais impossible de se repérer dans le temps avec ça. C’est une admissibilité sous condition. Mais moi c’est l’Agence qui m’intéresse pour l’instant, pas Westech. Ce n’est qu’un laboratoire austère et performant. Mais je commence à comprendre. Le directeur, c’est Big Bang, le beau-père adoré de Bri, donc. Je range tout ça dans le tiroir de mon bureau, on reverra ça plus tard, dans bien longtemps, loin de mon présent actuel de seniore débutante. Je vais traîner sur le balcon avec un alcaloïde bien chaud. La vue est fascinante, je comprends que Gloria se perde dans ce paysage pendant des heures devant ses claviers. Elle a orienté son bureau pour toujours avoir un œil sur l’horizon au dessus de ses écrans. Je passe devant son bureau pour lui faire des grimaces. Ça la fait rire. Je me sauve avant qu’elle me poursuive. Réfugiée dans la salle de bain, je me fais belle, avec du maquillage noir. J’affirme la Jenna qui est en moi. Gloria vient voir :
- Ça contraste avec mon dress code rouge.
- Nous sommes un couple en rouge et noir.
Je l’accompagne à la soirée de la gazette du campus dans laquelle elle est éditorialiste. Il y a des bulles à boire, des autrices à rencontrer, des pages imprimées en grand affichées sur les murs où Gloria me montre la fin d’un article avec la signature Megan Honest.
- Un sujet intéressant sur l’influence de la fiction, bien écrit, non ?
- Ça a du sens. C’est honnête.
Je suis à ma place ici aussi. Mais je leur laisse. Elles ont du talent. J’en reconnais une ou deux que j’ai eu en cours d’écriture de la Bible, l’atelier littéraire que je dirigeais sous quelle annexe déjà ? Justement, ça fait écho au discours de Gloria au pupitre :
- Les souvenirs sont des fantômes. Ici, à la Gazette, on ne traite que les faits. Ils font référence pour notre futur passé, quand on aura tout oublié.
Les journalistes viennent me demander mon avis :
- On a peur de traiter certains sujets comme la Reine ou la décroissance. Les institutions n’ont pas de communication officielle, il n’y a que nous. On peut être informatifs et utiles, ou pas, ça change beaucoup de choses.
- La communication, c’est du mensonge. Gloria a tout dit. Parlez des faits. Mais pas tous. Il est parfois bon de pas savoir. À vous de faire le tri.
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