Je bois de son lait. Elle boit de mon lait. On s’oublie dans l’extase de nos corps l’un dans l’autre. J’ai l’impression de devenir un pôle aussi.

• Non Jenna, tu es mieux que ça, tu es le noyau de tous les pôles, cachée au centre, neutre, le cœur magnétique des forces telluriques.

Brigitte aussi est sous le choc capillaire. Ses cheveux sont extrêmement courts mais ça fait ressortir d’autant plus la beauté de son visage. Elle aussi semble beaucoup plus proche de sa partenaire historique, Izzy, avec qui elle paraît encore plus assortie, évidente, heureuse. Gloria claque des doigts pour me ramener au présent avec elle dans notre couche au 12 RT, LC.

• Tu as encore eu une absence.
• Une ellipse. Bois-moi une dernière fois avant que je reprenne mon traitement. Ou pas, je crois qu’avec une injection bien placée, Hélène peut vacciner ma neurodifférence.

C’est ainsi que je perds mon dernier pouvoir. Me voilà handicapée, une sous-femme dans une Humanité évoluée, telle est ma place parmi elles. « C’est ton pouvoir à toi, de ne plus en avoir. Tu es juste toi. Et c’est pour ça qu’on t’aime. » Un message anonyme que je reçois sur mon mono. Il peut venir de n’importe qui ou de toutes en même temps. Victoria me fait une frange. Ça me va bien. À Brigitte aussi. On y passe toutes. Même ma reine, Gloria. Même la Reine Clémence. Une véritable épidémie de franges. Il n’y a plus rien à affronter alors autant le recouvrir. Rideau. Que l’on tire dans l’intimité pour embrasser le front de sa bien aimée. Discours de fin de promotion au lycée Russell. J’écoute la majorette de promotion, on scande « je ne suis plus une seniore », on rend nos cartes. Nostalgie. Angoisse. Inquiétude et tristesse dans les regards. On se sent plus perdantes que gagnantes à partir de l’autre côté du campus vers les grandes, écoles, y apprendre de grandes, choses, ou pas, comme moi, cachée au fond d’un bureau au gymnase. Mais j’enfile aussi le maillot de la School Med pour la conversion de mes diplômes. Taylor vient me voir dans les vestiaires avant mon entraînement pour la course. Il n’a pas sa tête de bonnes nouvelles.

• Merci de ne plus venir aux réunions, tu nous sapes le moral.
• Je fais du mauvais esprit pour la bonté des corps. Ma mission, c’est de me rendre inutile dans ton équipe. Tant que je suis là, c’est qu’il y a un problème de coaching sportif avec mise en danger de la santé des joueuses.
• Je te retiens pas. Tu peux partir quand tu veux.