320 - un art mineur
Sur le Campus, Lila est démoralisante. Elle représente la fatalité. Mais elle ne se déguise plus, elle se calme :
- Je vais étudier, apprendre, devenir quelqu’une et avoir une ou deux vies avant la solution finale. Tout d’un coup, grâce à toi, on a le temps.
- L’éternité même, telle est ma mission à moi.
Je lui donne espoir. Mais je ferai de mon mieux. J’ai de mauvaises intuitions à tout ce qui se rapporte à elle et à son réseau. Ça me donne aussi du sens, je suis le Hub de l’Apocalypse. Elle n’est pas pour maintenant. Je peux continuer de vivre dans le déni. À la 44, Greta me rassure :
- Tout va bien se passer. Il ne faut pas t’inquiéter. Notre H4 peut largement survivre sans la science, la politique, la royauté et la spiritualité. Nous sommes immortelles et résilientes. Ça sera pas pire qu’une guerre. Rien n’est plus fort que nos Amours en tant de Paix.
- La frange, c’est un signe, n’est-ce pas ? On passe en mode survie.
- Tout en douceur, en bruit de fond. N’y plonge pas, accroche-toi à ton présent.
Au 12 Rainbow Street, je m’accroche à ma Gloire au fond de ma Couche. Je remonte à son visage pour lui demander :
- Où en est la Littérature sans moi et sans la Bible ?
- La fiction est morte. Les autrices racontent leurs vies. Je raconte celles d’autrui. J’ai quelques livres en moi à sortir aussi mais je ne veux pas avoir l’air de régler mes comptes. C’est pas le moment. Si un jour celui-ci se présente, on verra. En attendant, tout reste en moi, comme un nœud dans mon ventre. Redescends et essaye de le défaire.
Pendant que je m’affaire, le puzzle se complète autour de mon histoire. Quand je m’imbrique à Gloria, tout s’assemble aussi dans mon esprit. Ma démarche de transgène primaire, un retour aux sources mais non sans garder un trace de l’évolution, je reste en phase avec le tellurisme de ma planète en gardant mon anatomie locale et pas celle de la Terre de Greta. Je suis de ma planète. La planète 4 de Jenna. À moi de me battre pour elle, de réussir là où Greta a échoué. En attendant, je parviens à Gloria d’atteindre son Alléluia, déçue après l’extase de revenir à la réalité :
- Je ne sais jamais une vraie autrice, elles sont à l’Est, dans le froid de Sylvania, au cœur des pouvoirs. Moi je ne suis qu’en vacances ici.
- Il n’est pas trop tard pour changer de voix. Chanter. Jouer. Être artiste.
- Je préfère être petite dans un art majeur que grande dans un art mineur.
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