336 - juste amies
À Laguna Beach, soirée chic en plein air, une jolie brune se montre avec Isa Love et sa mère, Greta. J’ai failli ne pas la reconnaître. Paloma :
- Je parais moins forte, je m’adapte à la situation. Toi aussi, non ?
- Je n’en serais jamais venue à bout sans toi. On est libres maintenant.
- Travail d’équipe. Et Adé ? Elle te harcèle encore avec ses chapitres ?
- Elle ne les voit plus non plus, ou elle ne veut plus les voir, qui sait ?
Son Isa Love est belle aussi, c’est Greta en mieux. Gloria n’en n’est pas indifférente. De quoi elles parlent ? De nous sans doute. Ma Gloria est mieux que Paloma. Son Isa est mieux que moi. C’est peut-être elle que je cherche, Paloma. On a même un alibi tout trouvé à se fréquenter : la Bible, qu’elle a faite vaciller et que j’ai faite tomber.
- T’es bizarre, Jenna. On arrive pas à lire en toi. C’est ça ton pouvoir ?
- Oui et non. Mon pouvoir, c’est que j’en n’ai plus. Je suis fermée. Étanche. Dans les deux sens. Tout le monde me parle en confiance.
- C’est chiant. Il faut tout te dire alors ? Tout t’expliquer ?
- Je peux aussi le deviner mais c’est moins sûr, j’ai la flemme.
Elles viennent nous interrompre parce qu’on parle trop à leur goût. Mais je reçois vite un message sur mon MonoD. Il s’agit d’organiser une Messe. C’est un prétexte que je décline : « j’ai maintenant ma propre religion, toute propre, toute blanche, comme mon Ordre et sa Chapelle. » Elle répond encore mais je ne lis pas. Je bloque. Je l’imagine à l’autre bout, le souffle coupé, outrée. J’espère que je ne suscite pas son intérêt. Faute, elle me retrouve, physiquement, sur le Campus :
- Que les choses soient claires, Jenna. J’ai juste besoin d’une amie.
- D’accord. Moi aussi. Mais tu es belle maintenant. Ça va dégénérer.
- Laisse-nous une chance. Je vais tout faire pour que tu ne m’aimes pas.
Je le sens pas, ce plan. Trop compliqué. Trop d’efforts à faire. Notre relation ne sera pas naturelle, il y aura toujours de l’ambiguïté. Mais elle est sympa, agréable, plaisante. Je vais tout faire pour la respecter. Je lui tend la main. Elle me la gifle. Je crois qu’on est d’accord. Je la croise vite par la suite, dans la Cathédrale, mais on a rien à se dire, juste à être ensemble à allumer les cierges, calmement, religieusement, en vœu de silence. Même pas un regard. Juste nos corps attelés à la même tâche. La fois d’après on se retrouve dans le parc pour une partie d’échecs. Puis au Restaurant du Palace pour un déjeuner. Là, on se met à parler. Discuter. Échanger. Communier. Manger.
- On est adultes, on est grandes, on peut gérer. Et être justes, amies.
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