348 - marriez-moi
Au Centre Médical des Suburbs, Estelle nous examine. D’abord Marie, ensuite moi. Pendant qu’elle m’ausculte, on converse de façon décousue et multiple, comme d’habitude, sur plusieurs niveaux :
- Elle est trop chou ta Little Marie. Raconte-moi comment tu te sens.
- Plus lucide. Réveillée. Plus connectée au présent.
- Pleine conscience. Tu es restée longtemps sous emprise.
- Tu crois que Misha pourrait passer ? Avec Paulette.
- Tu peux aller les voir aussi. T’a jamais été consignée ici, même quand tu étais Megan. Tu te souviens ?
- J’ai pas envie de retourner là-bas. Je me sens en sécurité ici.
- Tu es forte Jenna. Et en pleine forme. Je lui en parlerai, promis.
Little se fait bien à la vie ici. À Laguna Beach, elle était déjà dans une sorte de sas, comme ici. Elle s’amuse à circuler en bateau devant chez nous, de plus en plus vite, jusqu’à me proposer d’aller faire un tour. On se retrouve au Port de l’Est. Je lui fais visiter la Capitainerie et on se retrouve ensuite à l’Ambassade. Ça fait drôle de revoir Pauline. Elle connaît bien toutes les GC34. Elle fait d’abord la bise à Marie avant de me provoquer :
- Tu es enfin rentrée. J’ai failli attendre. Plus sérieusement, tu es en passe de me remplacer aussi en diplomatie.
- Je ne fais que de la dissuasion, et encore, en distanciel maintenant.
- Je vais pouvoir rassurer tout le monde. En attendant, vous êtes les bienvenues ici, et au Port. Aux Suburbs, le Manoir est libre aussi si vous voulez. Il n’y a plus beaucoup de monde, l’Ouest est devenu un refuge en lui-même. Jenna, il y a quelqu’une de ta famille, dans la maison verte. Ta tante, adoptive. Émilie. J’ai réussi à la sortir de son Village prison. Elle ne sort pas beaucoup non plus de la maison verte.
Effectivement, elle se balance de façon obsessionnelle dans un rocking chair sous son porche, le regard dans le vide. Avec Marie on se place de chaque côté pour l’arrêter et la sortir de sa transe.
- C’est Pauline qui vous envoie. Elle est inquiète pour moi.
- On va t’aider à reprendre le dessus.
Petit à petit, on l’inclue dans nos activités, au jardin, en cuisine, à la plage, en bateau. Pauline passe nous voir de plus en plus souvent pour des journées festives avec des repas et des jeux amusants. Je réalise qu’il s’agit d’un sauvetage psychologique. Une fois prête, Émilie s’installe à l’Ambassade, avec Pauline, et nous voilà à nouveau seules, mais plus proches, plus intimes, plus amoureuses l’une de l’autre, Marie et moi.
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