Les jours suivants il ne se passe pas grand-chose. Les scientifiques installent des stations atmosphériques autour de la base sans s’en éloigner. Ils trépignent d’impatience à l’idée de visiter la planète et d’effectuer des prélèvements. Mais l’ambiance sur la base reste saine, personne n’en veut à Kini d’être prudente. IAN continue de les prévenir de l’avancée des travaux dans les communications et le soir précédent les finitions, Napo toque à la porte de Kini. Il demande à lui parler en privé et ils vont dans son bureau. Là, le colosse regarde par dessus son épaule et murmure à voix basse : « Chef… ça va vous paraître fou… mais… je crois que j’ai vu quelque chose dehors quand j’étais avec Dina… euh pardon ! Le docteur Mansour. » Kini lui fait signe de continuer, soudain très intriguée, a-t-il repéré la même chose qu’elle. Le grand gaillard reprend, toujours sur le ton du complot : « J’ai vu une créature, très étrange. Elle m’a fixé du regard avec ses grands yeux bleus et puis elle a disparu. Le docteur Mansour l’a vu aussi, mais dans une autre direction... » Kini est sur le point de se lever pour lui révéler sa découverte elle aussi, mais il lui fait signe d’attendre et poursuit : « Le hic, c’est que j’ai vérifié les enregistrements de nos combinaisons… Il n’y a rien… c’est comme si on avait halluciné tous les deux. » Kini n’y tient plus :

-Non, j’en ai vu un moi aussi. J’ai pensé que j’avais rêvé, mais là, nous sommes trois à les avoir vues : il y a des créatures sur cette planète, elle sont peut-être même intelligentes.

-Que fait-on alors ?

-Je vais rédiger un rapport à Pearce. Ils n’ont pas l’air agressifs ou dangereux, mais demain nous mènerons une expédition avec les scientifiques, il faudra rester aux aguets. Nous préviendrons Stig aussi.

-Je m’en charge si vous voulez. » Elle accepte. Il la salue et s’apprête à sortir, Kini lui demande :

-Napo ? Essayez de ne pas trop en parler avec le reste de l’équipe, ne créons pas une panique et tâchons de faire en sorte que notre premier contact avec ces êtres soit pacifiste, d’accord ? » Son subordonné acquiesce et la laisse. Elle soupire lourdement : des aliens… Voilà qui était inattendu… Elle espère de tout cœur que lorsqu’elle en rencontrera un, tout se passera bien. Elle refuse d’être retenue dans l’histoire comme celle qui a engagé les hostilités contre la première race intelligente rencontrée par l’humanité. Elle rédige un compte-rendu pour Pearce, en y ajoutant la mention ‘urgent’ puis va dans ses quartiers pour y dormir. Elle se met en culotte et débardeur et s’allonge en programmant le réveil pour le lendemain matin.

Durant la nuit, elle fait un drôle de rêve. Il n’y a pas vraiment de contexte, juste des sensations agréables. Comme si on la caressait et l’embrassait. Tout son corps lui fait du bien. Elle respire lourdement et gémit. Ses mains commencent à courir le long de son ventre et soulèvent ses vêtements pour glisser vers son intimité.

Quand une sonnerie l’extirpe de ce songe, elle se retrouve dans son lit. Trempée de sueur et d’autre chose… Elle est en nage, respire lourdement et son bas ventre la démange. Kini reprend ses esprits et se calme doucement. Elle se rue sous sa douche et se lave à l’eau froide en se demandant ce qu’il lui a pris. Elle n’a jamais été obsédée par le plaisir et le sexe. Elle l’a pratiqué, seule ou avec des partenaires, mais jamais elle n’a ressenti le besoin d’y revenir. Une fois son désir éteint, elle s’habille et vérifie son terminal personnel. Les communications sont enfin rétablies. Pearce souhaite la voir dans son bureau après le petit-déjeuner. Elle se rend au réfectoire et y mange des blocs de nourriture légèrement parfumée au goût de pâtisserie. Elle observe le reste de l’équipage en silence, mais personne ne semble étrange ce matin. Stig et Napo la rejoignent et ils discutent des détails de l’expédition prévue plus tard ce jour.

Elle se présente à la porte de Pearce qui la fait entrer. Le bureau est comme toute les pièces du complexe. Sol noir brillant, mur et plafond blanc. L’ensemble est en plastique et parfaitement isolé du reste de Setania. Elle s’assoit et il en fait de même. Il attrape un pavé numérique et lit : « Avec le retour de Napo, j’ai donc confirmation que nous sommes au moins trois à avoir observé des êtres vivants sur cette planète. Des créatures insaisissables échappant complètement à nos système de sécurité et dont nous ne pouvons pas prouver l’existence. » Il repose son support, soupire et la fixe du regard : « Est-ce que c’est une plaisanterie ? » Kini monte tout de suite dans les tours :

-Je vous demande pardon ?! » Pearce est médusé :

-Vous vous êtes relue ? Insaisissables ? Échappant complètement à nos systèmes de surveillance ? Bordel qu’est-ce que vous voulez ? » L’ancienne militaire serre les dents :

-Je vous ai fait un rapport aussi précis que possible.

-Que voulez-vous que j’en fasse ?! Vous dites qu’on ne peut pas les voir mais qu’ils ne semblent pas hostiles ! Enfin mademoiselle Shika ! Vous savez que ces rapports finiront entre les mains de Voidustries ?

-Oui, et alors ? » L’administrateur s’emporte :

-Et alors ?! Si il n’y a rien ? Ils vont penser que vous avez perdu la tête ! » Kini se met à grogner :

-C’est aussi ce que j’ai cru au départ, et je n’ai pas rédigé de rapport. Désormais nous sommes trois à les avoir vues ! Ce qui change la donne ! » Pearce lève les mains en signe d’apaisement :

-D’accord ! Soit ! Vous avez rencontré des aliens. Que fait-on alors ? Vous ne comptez pas annuler l’expédition pour ça ? » Kini fait signe que non :

-Ils n’ont pas l’air hostiles. Je dirais qu’ils ont peur. Nous devrons nous en méfier, mais je ne pense pas qu’il y ait un danger.

-Bien. Dans ce cas j’ai une mission à vous confier. » Il lui présente une carte de la région où ils se trouvent : « Ça a été pris lors de notre descente. » Il indique un point : « Ici se trouve l’ancienne mission, et là... » Un autre point : « … il y a une colline assez haute pour y poser un relais de communication.

-Pour quoi faire ?

-La précédente mission ne répond pas. Soit le signal ne passe pas et il faut un relais… Soit ils ont cessé d’émettre et il faudra s’y rendre pour découvrir ce qui est arrivé. » Kini hoche la tête. Pearce termine : « Le relais est simple à installer, je vous envois son manuel sur votre terminal personnel. Vous pouvez disposer. » Elle se lève, le salue et sort.

Lors du déjeuner, Kini mange à part avec ses deux subordonnés. L’équipe scientifique, composée de Dina, Yakov et de Molie, une botaniste, restent de leur côté. Ils sont impatients d’aller explorer Setania et discutent de la meilleur manière de récolter des échantillons. De leur côtés les soldats se mettent d’accord sur leur stratégie. Dès que les plateaux repas sont débarrassés, tout le monde va au hangar. Ils passent leur scaphandres et s’équipent. Stig et Kini prennent des fusils d’assaut, Napo préfère un fusil à pompe, c’est lui qui ouvrira la marche. Les trois soldats expliquent le parcours aux scientifiques et ce qu’ils doivent faire si un danger leur tombe dessus. Des robots les accompagnent et serviront de boucliers en cas de besoin. Quelques drones volants resteront au dessus d’eux pour les avertir d’une quelconque menace. Après quoi ils sortent et entament leur trajet. Le convoi avance au rythme des arrêts des scientifiques. Ces derniers faisant régulièrement des pauses pour installer des stations d’analyses ou simplement effectuer des prélèvements de roche, de végétaux ou d’air. En milieu d’après-midi, ils arrivent au point d’installation du relais de communication. La précédente base est visible au loin par dessus la cime des arbres rouges. Kini demande de l’aide à Napo, et le colosse plante le pilier métallique dans le sol, puis aide à fixer les stabilisateurs. Kini l’active et lorsqu’il se déploie elle entend Stig marmonner : « Qu’est-ce que… ? » Elle se tourne vers lui et le soldat fixe un buisson, il demande : « Vous avez vu ça ? » Personne ne comprend de quoi il parle, il se tourne vers un robot et demande : « IAN, tu as détecté quelque chose dans les environs ? » La machine effectue une recherche avant de répondre de sa voix monocorde et synthétique :

-Négatif, les seuls êtres vivants alentours sont les membres de l’expédition. » Stig peste seul et Kini s’approche de lui pour ouvrir un canal de discussion privé :

-Vous avez vu un alien?

-Je crois bien oui, en tout cas ça ressemblait à votre description. Ça avait une peau transparente, sa chair était bleue, et ses yeux… Bordel ça m’a foutu les jetons... » Kini fronce les sourcils, pour sa part la créature n’avait pas semblé hostile. Qu’est-ce qui pouvait bien laisser croire à Stig qu’il y avait un danger ? Elle demande au groupe de faire demi-tour et les scientifiques réclament à passer par un autre parcours afin de récolter d’autres spécimens. Kini accepte, et le retour s’effectue sans problème. Pas d’autres apparitions à déplorer.

À son retour Pearce affiche un sourire de façade pour les accueillir car dès qu’il est seul avec Kini il murmure : « Le relais que vous avez installé fonctionne, mais l’autre mission n’émet pas. Vous saisissez ce que cela signifie ? » Elle comprend qu’il lui faudra organiser une nouvelle expédition pour se rendre au site automatisé.

Le soir, ils dînent au réfectoire. Les chercheurs sont extatiques, contents d’avoir de quoi s’occuper. Kini est un peu plus morose, elle explique la situation à son équipe. Ses hommes conviennent d’un rendez-vous avec elle le lendemain pour préparer leur matériel et atteindre leur objectif.

Une fois dans ses quartiers, en sous-vêtements débardeur, Niki s’endort. Elle rêve à nouveau de tendresse, de caresses et de plaisir. Elle se réveille en sursaut, en nage et excitée. Quand elle regarde autour d’elle, sa chambre est calme, mais un alien bleu se tient debout face à son lit.