Chapitre 12
Les jours qui suivirent furent marqués par une cohabitation inhabituelle. Pepito, la petite tortue, s'installa confortablement dans son terrarium, ignorant l'agitation qui régnait entre Victoria et moi. Pearl, la chatte, se familiarisait progressivement avec son nouvel environnement. Victoria, débordante d'enthousiasme, prenait soin de ses nouveaux compagnons, pour ma part, la situation ne me dérangeait pas trop. La tortue était discrète et peu bruyante, ce qui contrastait avec Victoria. Quant au chat, il laissait des poils partout et demandait une certaine attention, mais Victoria avait investi dans un robot aspirateur pour gérer les dégâts.
On aurait pu croire que notre relation avec Victoria s'améliorerait après notre après-midi passé à la SPA. Et c'est effectivement ce qui sembla se produire, du moins jusqu'au lendemain matin. Victoria me reprochait d'être toujours trop désinvolte et de ne rien prendre au sérieux. Cependant, ma cafetière n'avait pas fait de nouveaux plongeons, ce qui était déjà une victoire en soi.
Assis sur le canapé, je zappais des émissions insignifiantes. Depuis deux heures du matin, je n'arrivais pas à dormir ni à me concentrer sur quoi que ce soit. L'annonce officielle de notre mariage était prévue pour le lendemain, et cette perspective pesait lourdement sur mes épaules.
Victoria se leva, visiblement endormie, vint s'asseoir à côté de moi.
— Tu ressembles à un zombie, remarquai-je avec un sourire.
— Ta gueule, Thomas. Juste ta gueule.
Je rigolai et l’observé.
— Pourquoi ne vas-tu pas dormir ? Tu as une sale tête, lui demandai-je.
— Je n'y arrive pas. Je n'ai pas arrêté de me tourner encore et encore.
— Alors, tu vas être chiante ? plaisantai-je.
— Comment ça ?
— Quand tu ne dors pas assez, tu es irritable, tu pleures pour un oui ou pour un non. C'est comme danser sur des œufs.
— Tu as des expressions bidon et je ne suis pas comme ça, se refrogna-t-elle.
Elle croisa les bras sous sa poitrine, faisant ressortir ses formes.
— Arrête de mater mes seins.
— Je ne les mate pas, je les cherchais, répondis-je avec un sourire en coin.
Elle s'offusqua, mais ne répondit rien. Je mentais. Victoria était très belle et avait de jolies formes. Alors que Victoria commençait à s'endormir sur le canapé, Pearl fit son apparition en miaulant. Je l'attrapai rapidement et l'enfermai dans sa pièce dédiée.
Je retournai dans le salon et me félicitai d'avoir insonorisé les chambres. Victoria, maintenant à moitié endormie, ne remarqua pas mon départ momentané pour mettre Pearl dans sa pièce.
La perspective de l'annonce officielle de notre mariage me perturbait. C'était comme si une énorme pierre pesait sur mes épaules, m'empêchant de trouver le sommeil et de me concentrer sur quoi que ce soit d'autre.
Alors que je me perdais dans mes pensées, mon téléphone sonna. C'était mon père. Je répondis, peu heureux à l'idée de devoir lui parler.
" — Allô ?
— Tu réponds au bout de la quatrième sonnerie, tu crois que j’ai tout ton temps ? me réprimanda-t-il.
— Non.
— Tu pourrais t’excuser de me faire perdre mon temps.
— Je suis désolé, soufflai-je, agacé. Comment puis-je t’aider ?
— J’ai prévenu des journalistes pour l’annonce de demain, j’aimerais vous interviewer après-demain sur votre histoire. Je te préviens maintenant pour que tu aies le temps de te préparer avec Victoria. S’il te plaît, pour une fois, ne fais pas honte à notre famille."
Il ne me laissa pas le temps de répondre.
Je posai mon téléphone, déconcerté par la nouvelle. Une interview avec des journalistes sur notre histoire ? C'était la dernière chose à laquelle je m'attendais. Mon cœur battait un peu plus vite, une boule d'anxiété se formait dans ma poitrine.
Je me levai, sachant que le sommeil ne reviendrait pas de sitôt. Mes pensées s'emmêlaient dans ma tête, oscillant entre l'appréhension et la confusion.
Je me dirigeai vers Victoria.
— Victoria, tu es réveillée ? demandai-je doucement.
Elle se redressa légèrement, ses yeux encore embrumés de sommeil. L'atmosphère était chargée de tension et d'incertitude alors que nous partagions ce moment d'annonce.
— Je suppose que oui puisque je te réponds, que se passe-t-il ? murmura-t-elle.
— Mon père a organisé une interview avec des journalistes après-demain, pour parler de notre histoire, annonçai-je avec anxiété.
Sa réaction fut immédiate alors qu'elle s'asseyait brusquement sur le canapé, un regard horrifié fixé sur moi. La perspective d'exposer notre relation devant un public extérieur semblait lui peser autant qu’à moi.
— Quoi ? Pourquoi personne ne m'a rien dit ? s'exclama-t-elle, en regardant son téléphone.
— Je viens juste de l'apprendre, répondis-je en m'approchant. Je pense que c'est son moyen de "normaliser" notre relation aux yeux du public, ainsi que de redorer l’image de l’empire Castez ou je ne sais quoi d’autre.
— Mais toi et moi, on ne connaît rien l'un sur l'autre, comment on va répondre ? Et on va pas se mentir, comment on va jouer les couples transis d’amour alors que la seule chose qu’on ressent l’un envers l’autre est un profond agacement ? demanda-t-elle, visiblement préoccupée.
Je pouvais sentir mon pouls s'accélérer alors que nous confrontions cette nouvelle réalité ensemble.
— Tu es prêt à le faire ? demanda-t-elle finalement, sa voix empreinte d'incertitude.
Je pris une profonde inspiration, essayant de calmer les battements de mon cœur. Je devais être honnête avec elle, même si cela signifiait montrer ma vulnérabilité.
— Je suppose que nous n'avons pas vraiment le choix, non ? C'est déjà assez compliqué comme ça, mais je suppose que nous devons faire face à cette situation comme nous l'avons fait pour tout le reste, ensemble, répondis-je, espérant la rassurer.
Je vis dans ses yeux qu'elle partageait mes sentiments mitigés à ce sujet. Nous étions tous les deux confrontés à une montagne émotionnelle, mais nous devions la gravir ensemble.
— Amoureux devant les caméras et ennemis en coulisses. Ça pourrait réaliser un bon film, tenta-t-elle de plaisanter.
— On devrait envoyer un script de notre histoire à Netflix ou à une maison d’édition, ajoutai-je.
Alors que je quittai la pièce, mes pensées tourbillonnaient toujours dans ma tête. J’allais dans la cuisine pour prendre un café, mais l'odeur réconfortante ne parvint pas à apaiser mes nerfs à vif. Victoria s'installa à la table, le regard perdu dans le lointain, tandis que je me perdais dans mes pensées.
— Tu es vraiment agaçant avec ton café. Ce truc est immonde, lança-t-elle, interrompant mes réflexions.
— Moi qui croyais qu’on aurait une journée sans dispute, soupirai-je.
— Je ne me dispute pas, juste je te dis que j’aimerais que tu arrêtes de boire ça, répliqua-t-elle.
— On pourrait éviter une dispute, tu ne penses pas ? suggérai-je. Je peux aller fumer si tu préfères ? Je suis sûr que tu adorerais l’odeur.
— Fais ça et je t’assure que demain au lieu d’annoncer nos fiançailles, on annoncera ton décès. En plus, tu ne fumes même pas, répondit-elle avec un soupçon d'humour.
— Juste pour toi, je serais prêt à commencer. Ça te prouve à quel point je te hais. T’agacer est devenue ma plus grande obsession, répliquai-je avec un sourire en coin.
— Oh, au moins tu excelles dans un domaine. Je croyais que tu ne savais rien faire, dit-elle sarcastiquement.
La tension entre nous était palpable, mais je décidai de ne pas rétorquer. Nous devrions éviter d'envenimer la situation avec tout ce qui nous attendait. Pour une fois, je serais le plus mature des deux. Je pris une gorgée de café, savourant l'amertume de Victoria. Cette dernière avait le regard perdu dans le lointain. Je pouvais sentir son anxiété toute aussi palpable que la mienne, concernant les prochains jours.
— Pourquoi ne demandes-tu pas à ton père d'annuler tout ça ? suggérai-je finalement.
Je savais très bien quelle serait sa réponse, mais comme on dit : qui ne tente rien, n'a rien.
— Je ne te ferais pas ce plaisir.
— C’est pour toi que je dis cela, insistais-je.
— Oh, tu t’inquiètes pour moi maintenant ?
— Non vraiment, c’est simplement que si je finis par te tuer, ça impacterait l'image de ma société et de la tienne, puisque je l'aurais récupérée, répliquais-je avec sarcasme.
— Même morte, tu ne toucheras pas à mon entreprise, même si pour ça je dois rester en tant que fantôme et te supporter, ajouta-t-elle avec détermination.
— Attention, tu me ferais presque peur, répondis-je sarcastiquement.
Elle poussa un petit cri de frustration avant de reprendre son petit déjeuner, ne manquant pas de me lancer quelques injures.
— Tu te sens prête pour demain ? lui demandai-je après un moment de silence.
Elle leva les yeux vers moi, son expression mêlant appréhension et détermination.
— Je suppose qu'on n'a pas vraiment le choix, n'est-ce pas ? répondit-elle, une pointe d'amertume dans sa voix.
Je hochai lentement la tête, comprenant parfaitement ce qu'elle ressentait.
Nous étions tous les deux pris au piège dans cette situation, obligés de jouer un rôle pour satisfaire les attentes de nos familles respectives. Mais au fond de moi, je savais que cette mascarade ne pouvait pas durer éternellement.
— On devrait peut-être établir quelques règles pour demain, suggérai-je, cherchant à apaiser nos craintes communes.
Victoria releva un sourcil, semblant intriguée par l'idée.
— Encore des règles ? Tu as établi une histoire d’amour avec ? répliqua-t-elle sarcastiquement.
— Pourquoi ? Tu es jalouse ? répondis-je avec un sourire en coin.
— Ne prends pas tes rêves pour une réalité, Thomas. Et arrête avec ce petit sourire en coin, c’est énervant. Comme quoi ? dit-elle, exaspérée.
— Comme quoi 'quoi' ? répliquai-je, jouant l'innocent.
— Quoi comme règles ? demanda-t-elle, comme si c'était une évidence.
Je réfléchis un instant, essayant de trouver les mots justes pour exprimer mes pensées.
— Je suppose que nous devrions convenir d'une histoire commune, quelque chose de crédible mais pas trop élaboré. Et surtout, nous devons rester cohérents dans nos réponses, pas de contradictions qui pourraient éveiller les soupçons, expliquai-je.
Elle hocha lentement la tête, semblant approuver ma proposition.
— D'accord, mais comment allons-nous faire pour paraître crédibles ? Nous ne sommes pas exactement les meilleurs amis du monde, fit-elle remarquer avec une pointe d'ironie.
Sa remarque me fit sourire malgré la situation tendue.
— Nous devons juste être convaincants, répondis-je avec un haussement d'épaules. Les gens voient ce qu'ils veulent voir. Si on leur met assez de strass, de paillettes et d’amour, tout devrait passer comme une lettre à la poste.
— Tu sous-estimes les gens.
— Alors, je t’écoute, Miss Parfaite. Toi qui as la science infuse, que proposes-tu ? demandai-je, curieux de connaître son avis.
Elle me regarda un instant, ses yeux scrutant les miens comme si elle cherchait quelque chose de plus profond. Puis, elle hocha lentement la tête, semblant prendre une décision.
— D'accord, alors jouons le jeu, déclara-t-elle avec détermination. Mais je ne promets rien si tu continues à boire ce café infect.
Je rigolai à sa remarque, ce qui la fit sourire aussi.
— Une idée pour notre histoire ? demandai-je, curieux de savoir ce qu'elle avait en tête.
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